Officiellement, Salem Fayyad a démissionné vendredi soir, et sa démission a été finalement acceptée par le président Mahmoud Abbas, pour une mésentente avec son ministre des Finances. Ce dernier, Nabil Qassis, avait jeté l´éponge le 2 mars dernier, et sa décision acceptée par le Premier ministre palestinien, mais refusée par le président Mahmoud Abbas. Cette version de crise gouvernementale, assez banale, tous les gouvernements de la planète la connaissent à un moment ou à un autre de leur mandat. Dans le cas de la Palestine, il est difficile que croire que le départ de M. Fayyad, l´expert économique qui jouit du soutien des Américains et des pays de l´Union européenne, relève d'une simple question de crise gouvernementale. Après plus de cinq années passées à la tête de l'exécutif qui l'ont conduit à faire deux fois le tour de la planète, le Premier ministre palestinien a obtenu promesse sur promesse des gouvernements occidentaux pour que soit enfin donné naissance à l'Etat palestinien souverain et viable. Entre temps, les Américains et leurs alliés européens ont fui leurs responsabilités en refusant de faire la moindre pression sur Israël pour au moins geler son plan de colonisation de la Cisjordanie. Ce problème politique de fond a fait que le bras de fer est devenu inévitable entre le Fatah et le Premier ministre, déjà que les ponts étaient coupés, pour ces mêmes raisons de fond, entre Ghaza aux mains du Hamas et la Cisjordanie contrôlée par le parti du président Abbas. Le jeu trouble de l'administration Obama Vendredi, le nouveau Secrétaire d´Etat de Barak Obama, John Kerry, avait demandé au président palestinien de régler la crise avec son Premier ministre, car le départ de Salem Fayyed risquait de compromettre… l'entente entre les Palestiniens et les Israéliens. L'entente dont parle John Kerry revêt un aspect économique exclusif parce qu'Israël a décidé de bloquer les transferts financiers des exportations palestiniennes à travers les ports et aéroports israéliens. Non pas à cause de la démission de M.Fayyad, mais en représailles à l'entrée de la Palestine à l'Onu. La déclaration de John Kerry, bien cadrée avec celle de Benyamin Netanyahu, veut laisser l'impression que la crise gouvernementale palestinienne s'inscrit dans une logique classique des relations entre deux Etats souverains, alors que la création de l´Etat palestinien prévue par la «feuille de route», ni les Américains, ni encore moins le gouvernement de Benyamin Netanyahu, ne l'envisagent encore sur le moyen terme. La visite que Barak Obama avait effectuée en mars dernier en Israël et en Palestine, la première depuis qu´il est à la Maison-Blanche voilà plus de quatre ans, est venue confirmer la conviction que les Américains veulent gagner du temps dans le traitement de la question palestinienne. Après le fameux «je suis venu apprendre et écouter» de Barak Obama, ce qui demande du temps, le Secrétaire d'Etat américain a demandé de la patience aux Palestiniens pour pouvoir «faire bien… et vite». En revanche, ni le président américain, ni son Secrétaire d´Etat n´ont fait le moindre engagement sur la mise en œuvre de la «feuille de route» du quartet préconisant «la solution des deux Etats». Au rythme auquel évolue actuellement la médiation américaine, il est certain que le président Obama dont le second mandat risque de s'épuiser rapidement passera la main à son successeur sur la question palestinienne en la laissant dans l'état où il l'avait trouvée. Son nouveau secrétaire d´Etat table sur des «gestes de bonne volonté» de Benyamin Netanyahu qui sait qu'ils ne viendront jamais. Concrètement, Washington attend qu'Israël gèle de sa propre initiative la construction de logements pour les colons juifs en Cisjordanie sans renoncer à son plan de colonisation dont l'objectif est d'interrompre la continuité géographique de l'Etat palestinien. Une idée à laquelle Netanyahu a déjà réservé une fin de non-recevoir. D´autres priorités Or, même ce minimum qui pourrait encourager la reprise des négociations entre Palestiniens et Israéliens, la diplomatie américaine ne l'a pas arraché au Premier ministre israélien. John Kerry cherche donc à investir le volet économique, le développement de la Cisjordanie, pour mieux retarder la solution politique qui attend depuis le partage scandaleux de la Palestine en 1947. En réalité, les Etats-Unis ont d'autres priorités dans leur agenda diplomatique où la sécurité d'Israël figure comme la priorité des priorités. Netanyahu est parvenu à faire inscrire la question de la menace nucléaire iranienne comme préoccupation principale de l'action extérieure des Etats-Unis. La provocation «nucléaire» nord-coréenne semble avoir apporté aux Américains la raison supplémentaire de concentrer leur attention sur la «bombe atomique» que sur les véritables objectifs de paix dans le monde, surtout au Proche-Orient. Un agenda surchargé de «conflits» L'agenda diplomatique de Barak Obama est surchargé de «conflits» pour au moins les trois prochaines années, c´est-à-dire jusqu'à la fin de son second et dernier mandat à la tête de la Maison-Blanche. Il a des dossiers lourds sur la table qui ne laissent que très peu de place à la Palestine. Outre la question du chômage dans le pays et la gestion conjointe avec l'Europe de la crise économique qui affecte la zone euro, il doit procéder au retrait des troupes américaines d'Afghanistan, mettre le paquet dans la lutte contre Al Qaïda, gérer le «printemps arabe» et trouver une réponse à la possession de la bombe par l'Iran et la Corée du Nord. Ce sont les arguments derrière lesquels s'abritent aujourd´hui les Etats-Unis pour reporter aux calendes grecques la «solution des deux Etats-Unis» qui fut d'abord leur idée.