Après Ahmed Ben Bella et Chadli Bendjedid décédés l'année écoulée, Ali Kafi, un autre homme qui a présidé aux destinées de l'Algérie à une époque trouble de son histoire, nous quitte lui aussi… sur la pointe des pieds. L'ancien président du Haut comité d'Etat (HCE) est décédé hier matin à Genève (Suisse) des suites d'une maladie, nous apprend un communiqué de la présidence de la République. Ali Kafi s'est éteint à l'âge de 85 ans, ajoute la même source. Le corps du défunt devait être rapatrié hier soir, selon des membres de son entourage rencontrés devant l'entrée de sa résidence à El Mouradia. La présidence de la République confirme par ailleurs dans son communiqué que la dépouille du défunt sera exposée dès ce matin à partir de 9h au Palais du peuple afin de permettre aux officiels algériens ainsi qu'à la population de se recueillir sur sa dépouille. Le même document informe également de la décision du chef de l'Etat Abdelaziz Bouteflika de décréter, «en cette douloureuse circonstance, un deuil national de huit (8) jours» à compter d'hier. Le défunt Ali Kafi a été désigné à la tête du HCE de juillet 1992 à juin 1994, succédant au défunt président de la République, Mohamed Boudiaf, assassiné le 29 juin 1992 à Annaba. Le HCE a été cet organe provisoire de gestion de l'Etat mis en place le 14 janvier 1992 à la suite de la démission du défunt président Chadli Bendjedid.
Un des sauveurs de la République du danger islamiste Le HCE a eu la charge d'interrompre le processus électoral de 1991, empêchant ainsi les islamistes radicaux réunis au sein de l'ex-FIS (dissous) d'accéder aux commandes de l'Etat. C'est dire dans quelles circonstances exceptionnelles le défunt Ali Kafi a accepté d'assumer sa mission en tant que premier responsable d'un pays voué à une spirale de violence des plus dévastatrices. Le fait même de succéder à un président (du HCE) qui vient d'être assassiné dans son propre pays après de longues années passées en exil est à même de certifier le tempérament téméraire et imbibé de patriotisme de Ali Kafi. Les deux années qu'il a passées à la tête du Haut comité d'Etat ont constitué cette période durant laquelle l'Algérie a eu a aborder le virage le plus dangereux de l'histoire de son indépendance. Non seulement la bête immonde (le terrorisme barbare) semait, à cette époque-là, mort et désolation partout dans le pays, mais la situation économique aussi était des plus désastreuse en raison notamment de la chute des prix du pétrole à moins de 20 dollars le baril. A cela s'ajoute le fait qu'en ce début des années 1990, l'Algérie, alors seul pays au monde à affronter le terrorisme avant que ce mal ne se mue en véritable fléau transfrontalier, faisait face à un isolement international qui ne disait pas son nom. Dans divers domaines, la situation du pays à cette époque empirait chaque jour un peu plus. La descente aux enfers prenait forme progressivement. Mais cela n'a pas empêché le défunt Ali Kafi de voler au secours de la République en acceptant d'assumer la délicate mission de président du HCE, qui en plus constituait une instance d'autorité dépourvue de reconnaissance sur la scène internationale. Un maquisard de l'indépendance s'en va Les ennemis de l'Algérie, le défunt Ali Kafi en connaît bien, lui qui fut un militant de la première heure du mouvement national. Ce natif de M'Souna, localité d'El Harrouch, dans la wilaya de Skikda, est venu au monde le 17 octobre 1928. Il a adhéré au Parti du peuple algérien (PPA), où il affûta ses armes de militant nationaliste. Désigné par le PPA en qualité d'enseignant dans une école libre à Skikda, en 1953, Ali Kafi fut contacté par Didouche- Mourad, avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale. Il milite d'abord à Skikda, puis rejoint les maquis du nord-constantinois (Zone II, devenue wilaya II après le Congrès de la Soummam en 1956). Sous les ordres de Zighoud Youcef, Ali Kafi participe aux offensives d'août 1955. Un an plus tard, il fait partie de la délégation de la zone II au congrès de la Soummam, et devient ensuite le dirigeant de la wilaya II (de 1957 à 1959), après le départ de Lakhdar Bentobal en Tunisie. En mai 1959, Ali Kafi est appelé à Tunis et devient un des dix colonels qui vont réorganiser les instances dirigeantes de la Révolution (le GPRA et le CNRA). Au cours de la crise de 1962, Ali Kafi dont on loue le mérite de valeureux cadre de l'ANP se retrouve du côté du GPRA. A l'indépendance, Ali Kafi est nommé ambassadeur dans plusieurs pays, dont la Syrie, le Liban, la Libye, la Tunisie, l'Egypte, l'Irak et l'Italie. En 1990, il a été élu secrétaire général de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) avant d'être nommé le 11 janvier 1992 membre du HCE, instance qu'il présidera en juillet de la même année. De 1994 à 1996, Ali Kafi reprend la direction de l'ONM, avant de se consacrer à l'écriture de ses mémoires. Le défunt nous a quittés hier à l'âge de 85 ans. Ses mémoires seront-elles un jour accessibles au grand public ?