Les praticiens de la santé, dont les membres de l'intersyndicale de la santé, les paramédicaux et les corps communs en grève illimitée, poursuivent leur mouvement de protestation face à une tutelle qui semble déterminée à ne pas modifier sa position. Hier, au CHU de Beni Messous (Alger), aux alentours de 10H30, de nombreuses blouses blanches étaient rassemblées devant l'entrée et nombreux sont ceux qui portaient un badge ou un brassard signifiant qu'ils étaient en grève. Les délégués syndicaux du SNPSP ont enregistré un taux de suivi de 95% et regretté que «le ministre de la Santé ait toujours minimisé l'ampleur de la mobilisation». La semaine dernière, il avait été reproché aux grévistes un dysfonctionnement au niveau du service minimum, ce que des médecins généralistes réfutent. «Les praticiens du secteur sont tous à la tâche et assurent un service minimum au niveau des urgences médicales ainsi qu'une continuité des soins. Aujourd'hui, nous savons que nous allons avoir une charge de travail plus importante car les établissements de proximité fonctionnent au ralenti. Les gens se rabattent vers les CHU mais nous faisons le tri bien qu'on ait du mal à le faire puisque les agents de sécurité sont également en grève.» Interrogé sur la façon dont on repère une urgence, une praticienne nous expliquera qu'à vue d'œil, elle est capable de déterminer qui l'est ou non. Elle déplore toutefois que le malade qui n'a pas la possibilité de faire un examen ou une exploration au CHU prend à ses frais une ambulance pour aller consulter chez le privé et ce, même en dehors des mouvements de grève. «Nous ne prenons pas en otage le malade, c'est la tutelle qui est responsable de tout cela. On nous parle de la réforme hospitalière depuis des années et on ne voit rien venir. Nous faisons du service minimum tous les jours car on ne peut pas répondre correctement à la demande des patients puisque nous n'avons ni la formation adéquate ni les médicaments pour les soigner», a-t-elle regretté. Au niveau des urgences chirurgicales et médicales, on constate non seulement que les femmes de ménage ont assuré leur tâche au niveau des salles de soins, mais aussi que le peu de patients présents dans la salle d'attente a pu être pris en charge par les médecins. Une femme a tout de même fait savoir qu'elle avait attendu longtemps sans pouvoir être reçue. Rencontré sur les lieux, le chef de service des hémodialyses a fait savoir qu'il était en grève mais qu'il continuait à assurer des soins car son secteur ne peut supporter un service minimum. «Nous traitons cinquante malades par jour, que ce soit la grève ou non. Ces soins ne peuvent être différés car il en va de la vie du patient même si nous estimons que nous avons le droit d'être en grève, l'intérêt du patient prime», a-t-il expliqué. Idem pour le service de pédiatrie, où on a constaté que les urgences sont toutes prises en charge ainsi que les consultations. Un médecin expliquera être en grève, mais qu'il ne peut différer les rendez-vous des patients en bas âge. «Nous prenons en charge tous nos patients, nous gérons les couveuses, la pédiatrie générale et l'oncologie. Nous avons une lourde responsabilité, on ne peut pas renvoyer nos patients ce serait contraire à nos valeurs. Toutefois, nous rencontrons des problèmes pour acheminer des patients car les ambulanciers sont en grève et également pour renouveler nos médicaments car la pharmacie centrale ne nous délivre pas ce dont on a besoin», a-t-elle affirmé. Des défaillances Au niveau des admissions, un membre de la sous-direction de la gestion administrative du malade a indiqué que 526 patients avaient été hospitalisés au cours de la matinée et que l'activité de l'hôpital ne différait pas en temps de grève. Il a indiqué avoir organisé des tournées dans chaque service avec le DRH afin de s'enquérir de la situation, vérifier si aucun dysfonctionnement n'est à signaler pour le service minimum. «J'estime que le service minimum a été convenablement assuré. Les médecins hospitalo-universitaires ont assuré leurs consultations à l'inverse des spécialistes. Nous avons reçu quelques plaintes de patients mais elles ne sont pas justifiées car il ne s'agissait pas d'urgences. Par contre, j'ai observé que de nombreux travailleurs des corps communs n'ont pas assuré leurs tâches. Si lors de mes inspections, je considère qu'il y a un fort absentéisme, je le signale aux syndicats et j'en rends compte à la tutelle. La semaine dernière, des sanctions ont été appliquées dont des ponctions sur salaires», a-t-il confié. Ajoutant que «chaque jour, il fait parvenir une estimation du nombre de grévistes à la tutelle». Pour ce responsable, que ce soit en période de grève ou non, «la santé est un secteur stratégique où bien souvent l'humanisme prend le pas sur des considérations socioprofessionnelles». Pour sa part, une praticienne réfute les propos de cet administrateur et estime qu'il n'a pas suffisamment inspecté le terrain. «Le service de médecine interne masculin, ainsi que tous les services de consultations spécialisés ont été fermés. Même les laboratoires l'ont été sauf pour effectuer les bilans d'urgences. De plus, il n'a pu y avoir d'hospitalisation dans ces services car les paramédicaux sont en grève illimitée. Un praticien ne peut pratiquer une opération si l'infirmière et l'anesthésiste sont en grève», a-t-elle expliqué. Une employée de la pharmacie centrale de l'hôpital a assuré, quant à elle, que «seuls les stupéfiants ont été délivrés et que les livraisons ont été bousculées car les personnes qui doivent opérer le déchargement des médicaments n'étaient pas présentes». En tout état de cause, selon un praticien, «la majorité des personnes venues pour des soins n'ont pas été agressives quand elles ont essuyé un refus car elles ont appris à vivre avec un secteur de la santé défaillant. Et que ce soit la grève ou non, elles n'ont pas les soins dont elles devraient bénéficier», a-t-il regretté.