Seul un service minimum à la fois trop lent et dérisoire est assuré au niveau des urgences des différents services où le malade doit quand même payer la prestation. Les modestes bourses qui ne peuvent se permettre des soins médicaux chez le privé devraient croiser les doigts pour ne pas tomber malades ces jours-ci. Et pour cause : les prestations du secteur public ne sont toujours pas disponibles. Et cette fois, ce n'est pas pour manque d'équipements, de pénurie de médicaments, de non-disponibilité de fil chirurgical ou même d'une simple injection, mais pour absence de tous les personnels du secteur. Toutes les blouses blanches, praticiens, spécialites, dentistes, pharmaciens, psychologues et paramédicaux ainsi que les corps communs et les ouvriers professionnels, sans oublier les professeurs d'enseignement paramédical sont en grève. Certains poursuivaient encore un mouvement qu'ils ont déjà entamé (c'est le cas pour les paramédicaux, corps communs et ouvriers professionnels) et d'autres, l'Intersyndicale de la santé, ont lancé hier leur démonstration de force. Avec de tels “symptômes", le diagnostic est facile à poser : la paralysie est totale au niveau de tous les hôpitaux et les établissements sanitaires de la santé publique. Seul un service minimum au niveau des urgences uniquement est assuré conformément à la législation en vigueur. Déjà en temps normal, les hôpitaux, pour des raisons que nul n'ignore, sont souvent le théâtre de vive tension, de prises de bec et de bagarres. Pendant le débrayage de certains travailleurs, la situation est encore plus lamentable alors quand c'est tous les personnels, tous corps confondus, qui débrayent, les conséquences sont inimaginables. Il faut vraiment être sur le terrain pour constater et vivre quelques heures de galère infinie pour bon nombre de malades et de modestes bourses. Une virée de quelques heures au niveau de deux hôpitaux de la capitale donne un aperçu sur ce que deviennent ces structures censées sauver des vies et non les compliquer. À Parnet, les parturientes “cassent" la grève ! Il est un peu plus de 10 heures quand nous arrivons au CHU Parnet. L'entrée est comme par hasard quasi libre. Les appariteurs ne jettent même pas un regard furtif aux voitures qui rentrent. Le parking est bondé de véhicules ! Bizarre pour un hôpital en grève générale. Tant que personne ne nous arrête, profitons de cette rare opportunité. Contrairement aux autres jours, l'hôpital s'est vidé et de son personnel et de ses patients, même aux urgences pédiatriques. Quelques patients attendent à l'entrée du pavillon des urgences d'ophtalmologie. “Nous ne prenons que les cas urgents ! Les paramédicaux et les médecins sont en grève", explique vainement un agent de sécurité à une vieille dame. Non loin de là, l'activité reprend ! Normal, car c'est ici que l'on donne la vie ! Un acte qui ne peut être reporté en raison de grève. Ici, c'est le service de gynécologie obstétrique où de nombreuses familles attendent l'annonce de l'heureux événement. La porte est certes fermée, mais les parturientes ne sont pas renvoyées pour un accouchement à domicile ou dans la rue ! Elles sont prises en charge tout comme celles qui sont hospitalisées dans différents services, tels le service des grossesses à haut risque. Le reste des services roule au ralenti et n'assure que les urgences, comme l'indiquent les banderoles et autres affiches accrochées à l'entrée. Nous quittons Parnet en direction du CHU Mustapha. Mal nous en prit en décidant de prendre la rue de Tripoli. Un long embouteillage est causé par... un camion de ramassage des ordures de Netcom qui s'arrêtera tous les 6 mètres. La tension monte et les klaxons fusent de partout. Le calvaire prendra fin plus d'une demi-heure après. Ce n'était rien finalement face à ce qui nous attendait au grand CHU de la capitale. “Ô malades, pardonnez-nous, c'est Ziari qui veut cela !" L'entrée principale de l'hôpital est tout simplement inaccessible. Le portail est fermé et l'accès est bloqué par un important dispositif sécuritaire. Un policier nous oriente vers la seconde entrée. Le CHU est bondé de voitures. Pas un seul petit coin pour stationner, si ce n'est en troisième position. C'est à croire que nous sommes dans un parking et non dans un hôpital. Une ambiance particulière y règne à notre arrivée. Et contrairement au CHU Parnet, l'hôpital Mustapha n'a pas été déserté, ni par son personnel ni par ses malades. Un monde fou y était ! Des blouses blanches, qui semblaient bien apprécier leur repos, ont eu le temps de faire un tour au fast-food du coin et de s'acheter, qui une boîte de pizza, qui un sandwich. D'autres, en revanche, passaient d'un service à l'autre en ayant entre les mains, soit des dossiers de malades, soit des radios. Ceux-là travaillaient et ne prêtaient point attention à tout le vacarme qui parvenait de partout. C'est le cas au service ophtalmologie et ORL où la vue d'une patiente qui y ressortait avec un grand sourire nous a étonnés. “C'est vrai que j'ai attendu pas moins de trois heures pour passer, mais l'essentiel est que le rendez-vous n'a pas été reporté. Je me serais suicidée." Notre discussion sera écourtée par l'arrivée d'une procession de blouses blanches et autres travailleurs qui marchaient en scandant : “Ô malades, pardonnez nous, c'est Ziari qui veut cela !". Les réponses ne se feront pas attendre. Des commentaires de patients ou de parents accompagnateurs fusent : “Si vous ou un parent à vous étiez malades, vous auriez cassé votre grève", fulmine un jeune homme. Une dame accompagnant son père aux urgences médico-chirurgicales tranche : “Vous avez le droit de vous défendre, mais pas en prenant en otages des malades qui ne peuvent pas se soigner chez le privé." Des grévistes qui tentent de justifier la décision d'aller jusqu'au bout ne pourront pas finir leur plaidoirie. “Au lieu de pénaliser le malade, faites une grève de la faim devant le ministère. Cassez le ministère ! Mais ne pénalisez pas davantage le malade. Il est mourant et vous,vous l'achevez par votre abandon." En écoutant des patients dire que les personnels de la santé devraient trouver d'autres formules de protestation qui n'impliqueraient pas le malade, un sexagénaire, qui attendait depuis 8 heures du matin pour faire une radio et enlever le plâtre (fracture au pied), leur répond : “Personne ne les écoutera car ceux qu'ils interpellent se soignent ailleurs ! Ils nous pénalisent pour rien." Le centre Pierre et Marie Curie au ralenti ! Le centre Pierre et Marie Curie (CPMC), devenu depuis des années déjà synonyme de tous les maux et autres détresses au quotidien de nombreux cancéreux et leur famille, donne la chair de poule ! Il faut vraiment s'armer de courage pour pouvoir croiser le regard de ses nombreux malades et leurs accompagnateurs. L'entrée est presque “obstruée" par les nombreuses et grandes banderoles annonçant la grève des paramédicaux et des autres personnels. Peut-on réellement abandonner son poste dans un service d'oncologie où d'innombrables rassemblements ont été organisés pour soutenir les malades cancéreux ? La réponse nous l'avons eue sur place et de visu. Les différentes unités du CPMC étaient bel et bien fonctionnelles ! Le service était trop lent et les prestations étaient fournies dans une froideur totale. “Nous ne nous reconnaissons pas dans ce mouvement, nous travaillons comme vous voyez, mais avec les moyens du bord", nous dit une infirmière. Et d'expliquer que “même si les autres sont à l'arrêt, le CPMC ne peut pas se permettre de renvoyer les patients. L'attente est longue, certes, mais les consultations se font et les soins sont prodigués pour ceux qui ont des rendez-vous". Le même discours sera tenu par un médecin qui d'ailleurs recevait une jeune patiente. Elle nous dira que le centre est un cas particulier. “Sans débrayage, déjà, la situation est dramatique pour manque d'équipement et pénurie de médicaments." Pourtant, à en croire certains, des patients qui avaient des rendez-vous même pour des chimiothérapies ont été refoulés. En fait, c'est tout le CHU qui roulait hier au ralenti dans une ambiance électrique. L'accueil et la prestation dépendaient du bon vouloir des grévistes. Pour ce qui est du citoyen, à défaut de soins ou de rendez-vous, il s'extériorise et hurle toute sa douleur physique et morale et quitte les lieux. La galère du malade n'est pas chose nouvelle, il s'est même adapté avec le temps, mais le débrayage des personnels de la santé publique en a rajouté une bonne couche dont il se serait passé volontiers. Mais qui s'en soucie au final ? M B Nom Adresse email