Les différents corps de la santé observent depuis des semaines une mobilisation sociale en vue d'arracher des droits qu'ils revendiquent pour certains depuis des années. Cette protestation a pris une forme radicale au vu des options choisies par certains corps, dont les paramédicaux et les corps communs, qui ont décrété la grève illimitée «au vu du mutisme et des déclarations du ministre», ont-ils répété à plusieurs reprises. De son côté, l'intersyndicale de la santé est entrée dans sa deuxième semaine de protestation et compte, dès aujourd'hui, tenir un sit-in devant le ministère de la Santé pour prouver à la tutelle que les adhérents ne se démobilisent pas. Une réunion d'évaluation se tiendra le jour même ou le lendemain et sera l'occasion pour les secrétaires généraux de l'intersyndicale d'analyser la situation en prenant en compte différents paramètres dont «la réaction des pouvoirs publics et de la tutelle, l'état d'esprit des adhérents et les répercussions de la grève sur les malades», selon le docteur Merabet, secrétaire général du SNPSP, qui s'est réjouit de la poursuite de la mobilisation avec un taux de suivi d'environ 80% pour les deux premières journées. Interrogé sur les reproches de certaines associations, à l'instar de M. Kheireddine Mokhbi de l'Association des malades chroniques qui s'alarmait sur l'état de certains malades aggravé par un dysfonctionnement au niveau des urgences, M. Merabet a estimé que «les syndicats s'étaient toujours inscrits dans une démarche de dialogue jusqu'à ce que la tutelle décide de le rompre, c'est donc vers elle que les associations doivent se tourner», a-t-il dit, ajoutant qu'aucune association ne s'est manifestée auprès des syndicats et que les praticiens sont chaque jour au côté du citoyen et qu'ils ont toujours assumé leurs responsabilités. «Toutefois, lorsque l'on est dans une démarche de mobilisation sociale, on ne peut assurer qu'un service minimum au niveau des urgences médico-chirurgicales. Tout ce qui peut être différé n'est pas couvert par le service minimum et les malades chroniques entrent dans le cadre d'un suivi de consultation», a-t-il expliqué, déplorant que le système médical ait créé une médecine à deux vitesses et oblige certains patients à se diriger vers des cabinets privés toute l'année. Il a suggéré à ceux qui le peuvent de se tourner vers le privé durant cette période de protestation. En outre, il a expliqué que les patients qui se dirigent vers les EPSP pour des urgences graves sont orientés vers les EHS et les CHU car le système de santé, à l'instar des pays occidentaux, comporte différents paliers en matière de soins et que ces structures prennent uniquement en charge les soins de base. «C'est pour le bien du malade que nous prenons la décision de le diriger vers une autre structure, car les EPSP n'ont ni les moyens ni les compétences pour prendre en charge des urgences qui méritent des soins spécialisés. Ce n'est pas propre à l'Algérie ni à cette période de mobilisation», a-t-il affirmé. Il a également fait savoir qu'au cours des deux premières journées de grève, peu de personnes ont émis des critiques sur le service minimum. «Nous avons rappelé à nos délégués l'importance du service minimum car il en va de la crédibilité des syndicats et nous en mesurons les répercussions sur les patients. Nous avons également donné des instructions pour l'élargir aux examens de fin d'année, tels le BEM, le baccalauréat sportif et de dessin. Tout ceci prouve que, contrairement à ce que déclare le ministre, nous ne sommes pas sur un terrain politique et nous ne voulons pas prendre en otage les malades ou les élèves», a-t-il déclaré. Ajoutant que les dernières déclarations du porte-parole de la tutelle n'avait nullement convaincu les syndicalistes. «Il déclare que le ministère est ouvert au dialogue mais nous avons marre des déclarations de fausses intentions. S'ils avaient une réelle volonté de dialoguer, ils auraient convoqué des réunions de conciliation depuis longtemps. Pour nous, tout ceci n'est que langue de bois et n'a qu'un seul but, dresser la population contre nous», a t-il déploré. Des entraves aux libertés syndicales M. Merabet a fait savoir que, lors de ces journées de protestations, des entraves au droit de grève ont été signalées dans plusieurs wilayas. Selon lui, la recrudescence des mesures disciplinaires à l'encontre des adhérents fait suite à la réunion, jeudi dernier, du ministre et des directeurs de la santé. «Nous sommes convaincus que cette réunion a pris une tournure particulière, puisque deux tiers du temps imparti aux discussions ont été consacrés à des instructions consacrant la répression à l'encontre des grévistes. Tous les moyens sont bons pour casser la grève et le ministre est même allé jusqu'à menacer de sanctions administratives certains gestionnaires qui refuseraient d'appliquer les mesures répressives. Dès lors, nous savons d'ores et déjà que nous n'échapperons pas aux ponctions sur salaires, aux mutations... ce que nous assumons», a-t-il indiqué. Et d'ajouter : «Certains établissements ont interdit la diffusion des communiqués de l'intersyndicale, les banderoles, les piquets de grève, les rassemblements des délégués alors que, bien souvent, ils sont l'occasion de mettre au point le service minimum.» Il a, par ailleurs, observé que les wilayas d'El Bayadh et Kenchela se sont singularisées par des manquements aux libertés syndicales. «Il nous a été signalé que les directeurs de la santé se sont déplacés au sein des EPSP et de l'EPH de Kaïs pour intimider les grévistes. Le directeur de la santé de la wilaya de Kenchela a même encouragé les populations à se manifester violemment contre les praticiens. Il a été irresponsable car le risque de débordement était réel», s'est-il alarmé. M. Merabet continue en regrettant que «les gestionnaires du secteur en soient venus à de tels comportements pour briser le mouvement de grève. La population doit savoir que la protestation n'est pas notre finalité. Nous essayons de trouver d'autres solutions mais face au mutisme de la tutelle nous ne pouvons que maintenir cette démarche.»