L'Union européenne a exprimé vendredi sa "préoccupation" après les révélations sur l'espionnage des communications par le renseignement américain, et va demander aux autorités américaines plus d'informations sur cette affaire. "Nous avons vu les informations de presse. Nous sommes naturellement préoccupés par les possibles conséquences pour la vie privée des citoyens européens", a déclaré la commissaire européenne chargée des Affaires intérieures, Cecilia Malmström, à l'issue d'une réunion des ministres de l'Intérieur de l'UE à Luxembourg. "Mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Nous avons besoin de plus d'informations et nous allons contacter nos homologues américains pour obtenir plus d'informations", a-t-elle ajouté. L'UE et les Etats-Unis auront l'occasion d'aborder cette affaire dès la semaine prochaine lors d'une réunion vendredi à Dublin à laquelle doivent participer les ministres américains de la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, et de la Justice, Eric Holder, ainsi que les commissaires européennes chargées des Affaires intérieures, Cecilia Malmström, et de la Justice, Viviane Reding. Le Washington Post et le quotidien britannique The Guardian ont révélé jeudi que le renseignement américain récoltait les relevés téléphoniques aux Etats-Unis et aurait accès aux serveurs des grands groupes informatiques comme Google et Facebook, des pratiques héritées de l'ère Bush et approuvées par l'administration de Barack Obama. Entre 2007 et 2011, les sites de Microsoft, Google, Yahoo!, Facebook, YouTube, Skype, AOL et Apple ont commencé à être intégrés dans un programme secret de l'Agence nationale de sécurité (NSA) pour que ses analystes puissent consulter directement et en temps réel les courriels envoyés sur Hotmail ou Gmail, ainsi que toutes conversations, photos, vidéos et chats internet sur ces sites. L'existence de ce programme PRISM a été défendue par le président américain, Barack Obama, qui a indiqué qu'il "ne s'appliquait pas aux citoyens américains" ni aux "personnes qui vivent aux Etats-Unis". Il a défendu la nécessité d'un "compromis" entre la "sécurité" des Américains et "la protection de la vie privée". Les socialistes européens ont appelé la Commission européenne à "défendre les standards européens en matière de protection de la vie privée dans le cadre des négociations commerciales" avec les Etats-Unis". La Commission "doit s'assurer" du respect des "standards les plus élevés en matière de protection des données privées" dans le cadre des futures négociations avec les Etats-Unis pour un accord de libre-échange, a déclaré dans un communiqué le président du groupe socialiste au Parlement européen, Hannes Swoboda. "La protection des données privées est un droit absolu qui doit être respecté, à la fois par les gouvernements et pas les groupes privés", a-t-il souligné. "Récolter des informations auprès de serveurs de compagnies privées, sans en informer la compagnie ou les utilisateurs concernés, ne répond en aucune façon aux règles européennes sur la protection des données privées". Les socialistes européens ont demandé à la Commission de "vérifier" si cette législation était "respectée dans des cas impliquant des citoyens de l'UE". Jeudi, les Etats membres de l'UE ont recalé un projet de réglementation européenne sur la protection des données sur Internet. Ils se sont divisés entre ceux, avec d'un côté le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, qui le jugeaient trop pénalisant pour les petites entreprises, et beaucoup d'autres qui ne le trouvaient au contraire pas assez protecteur des citoyens. "Avec Internet, on a des abus et des attaques contre la vie privée qui dépassent le territoire national", avait souligné la ministre française de la Justice, Christiane Taubira, qui demande un "consentement explicite" des individus au traitement de leurs données par les entreprises publiques ou privées.