Le 27 mars, la Commission des libertés civiles du Parlement européen s'est penchée sur le texte du futur accord sur le transfert des données des passagers qui se rendent ou survolent les Etats-Unis au départ du continent européen. Bien que le rapporteur du texte devant la commission des libertés civiles, l'eurodéputée libérale néerlandaise Sophie in't Veld, ait recommandé à ses pairs de rejeter cet accord, elle n'a pas réussi à les convaincre et c'est avec 31 voix pour, 23 voix contre et une abstention que le document « PNR » pour « Passenger Name Record » a été accepté. Les eurodéputés- qui avaient obligé Bruxelles à renégocier une première mouture de cet accord en 2007 - se pencheront donc à nouveau sur ce texte lors d'une séance plénière du Parlement européen à Strasbourg au cours du mois d'avril mais peu d'observateurs estiment qu'un retournement de situation sera possible lors de cet examen. Il est donc probable que, d'ici peu, le Parlement européen donnera son feu vert au transfert de ces données aux Américains. De quoi s'agit-il ? Les informations dites « PNR » sont fournies par les passagers et recueillies par les transporteurs aériens au cours des procédures de réservation et d'enregistrement. Parmi ces informations, on trouve le nom du passager, des indications relatives au billet de transport , l'itinéraire du voyage , l'adresse et les numéros de téléphone des voyageurs, les moyens de paiement qui ont été utilisés , le numéro de carte de crédit, l'agence de voyage qui a délivré le titre de transport, le numéro du siège ainsi que des informations ayant trait à l'enregistrement des bagages. Certains estiment néanmoins que cet accord pourrait porter atteinte à la vie privée des passagers, même si, selon la Commissaire européenne chargée des Affaires intérieures Cécila Malmström, le texte, négocié en 2010, garantit que les données fournies par les compagnies aériennes européennes aux Américains ne seront utilisées « qu'à des fins de lutte contre la criminalité transnationale ou le terrorisme ». La députée Sophie In't Veld craint néanmoins que les Américains , qui sont susceptibles de conserver indéfiniment ces informations , n'utilisent ces données PNR pour d'autres motifs que la lutte contre le terrorisme ou des formes graves de criminalité transnationale comme l'immigration illégale par exemple. D'aucuns pensent même que ces informations pourraient intéresser des spécialistes de la santé ou des professionnels de l'assurance. « Les résultats du vote montrent clairement qu'il y a de très fortes réserves contre cet accord » a déploré le rapporteur de la Commission alors que les Etats-Unis ont déjà clairement fait savoir qu'un ‘non' des eurodéputés susciterait chez eux la suspension des voyages sans visa. « De nombreux collègues, c'est compréhensible, ne voulaient pas faire ce sacrifice. Mais il est hautement regrettable que les droits fondamentaux aient été bradés sous la pression », a encore déclaré Mme in ‘t Veld, à l'issue du vote du 27 mars dernier à Bruxelles. L'attitude du PE est, néanmoins, assez paradoxale car les eurodéputés avaient décidé en 2004 de saisir la Cour européenne de justice pour faire annuler un premier accord PNR, - prévoyant le transfert, par les compagnies aériennes, de 19 données -, que les mandataires européens jugeaient contraire à la protection de la vie privée et ils avaient obtenu satisfaction. Le Parlement a ensuite refusé de voter un accord ficelé en 2007, avant de bénéficier – avec le traité de Lisbonne – d'un droit de veto sur les accords internationaux. Pour Mme in ‘t Veld, comme pour beaucoup d'eurodéputés, ces problèmes n'étaient pas résolus dans la dernière version de 2011 négociée par la Commission européenne. « En votant un accord qui est contraire aux lois de l'UE, et qui ne répond pas aux critères minimaux fixés par le Parlement lui-même, ce dernier perd de sa crédibilité et échoue aux yeux de ses propres électeurs », poursuit Mme in ‘t Veld. Pour l'eurodéputée libérale ce vote crée en outre un « précédent pour de futurs accords avec d'autres pays qui s'apprêtent à collecter les PNR, comme l'Arabie Saoudite, le Japon, la Corée du Sud, et le Qatar » et il pourrait aussi influencer un accord similaire en cours de négociation avec le Canada. Les pressions sont toutefois importantes pour avaliser le texte définitivement. Si les 754 mandataires européens rejettent l'accord, "il n'y a aucune marge de manœuvre pour renégocier avec les Etats-Unis", a remarqué récemment Cecilia Malmström en ajoutant "C'est ça ou rien". Il semble donc bien que l'accord « passera la rampe » même si les Libéraux-démocrates, les Verts et la gauche radicale voteront contre ce texte car les 279 élus du Parti Populaire Européen et les 57 conservateurs et réformateurs européens de l'ECR ont toujours affirmé qu'ils voteraient en faveur de ce texte. Ce sont les socialistes, divisés, qui feront donc la différence. A.M