La Tunisie a vécu hier deux manifestations des camps pro et anti-islamistes pour marquer la journée célébrant les acquis de la femme, au lendemain de pourparlers n'ayant esquissé aucune solution à la crise déclenchée par l'assassinat de l'opposant Brahmi. La manifestation anti-gouvernementale réunissant associations féministes, partis d'opposition et le puissant syndicat UGTT devait débuter avec des slogans pour la défense des acquis de la femme, qui bénéficient de droits sans pareils dans le monde arabe depuis 1956, même si l'égalité n'est pas consacrée. Or les islamistes au pouvoir sont sans cesse accusés de vouloir revenir sur cette spécificité, Ennahda ayant tenté notamment d'inscrire le principe de complémentarité des sexes dans le projet de Constitution, toujours paralysé. Ennahda a organisé pour sa part un rassemblement rival, avenue Habib-Bourguiba, haut lieu de la révolution de 2011 à Tunis, sous le slogan «Les femmes de Tunisie, piliers de la transition démocratique et de l'unité nationale». Là aussi, le thème rappelle la position des islamistes, ces derniers insistant sur un maintien des «institutions transitoires» issues d'élections en octobre 2011 et toujours en place faute de consensus sur la Constitution.
Les pourparlers ont échoué Malgré la pression de l'opposition, mais aussi de l'UGTT (forte de 500 000 membres et capable de paralyser le pays) et du patronat Utica, le parti islamiste exclut encore et toujours la démission du gouvernement et la mise en place d'un cabinet d'indépendants pour conduire la Tunisie vers l'adoption d'une loi fondamentale. L'hétéroclite coalition d'opposants a d'ailleurs prévu d'annoncer cette semaine un cabinet gouvernemental alternatif, alors qu'Ennahda propose pour sa part d'élargir le gouvernement à d'autres partis tout en gardant la tête. Des premiers pourparlers entre Ennahda et l'UGTT n'ont conduit lundi soir à aucune avancée laissant présager une sortie rapide de la crise, même si d'autres rencontres auront lieu dans les jours à venir. L'UGTT s'est retrouvée à contrecœur dans le rôle de médiateur entre Ennahda et les partis d'opposition après que le président de la Constituante a gelé les travaux de l'assemblée en demandant à la centrale syndicale d'assumer son «rôle historique» en parrainant les pourparlers.
Le sécuritaire source de toute la crise Le gouvernement est accusé d'avoir failli sur le plan sécuritaire, puisque l'essor de la mouvance salafiste déstabilise régulièrement le pays depuis la révolution de janvier 2011. Un premier cabinet dirigé par Ennahda avait déjà dû démissionner après l'assassinat d'un autre opposant, Chokri Belaïd, le 6 février. Par ailleurs, quatre jours après l'assassinat de Brahmi le 25 juillet dernier, un groupe suspecté de liens avec al-Qaida et pourchassé par l'armée depuis décembre a sauvagement tué huit militaires au mont Chaambi à la frontière algérienne. Cette embuscade a déclenché une vaste opération aérienne et terrestre, mais les autorités n'ont dressé aucun bilan après près de deux semaines de manœuvres et de bombardements. Par ailleurs, selon une source militaire sur place, six terroristes auraient été néanmoins tués lundi, puisque au cours des opérations de ratissage du mont Smama dans les montagnes de Chaambi, six cadavres ont été retrouvés par les unités de l'armée nationale. Selon le correspondant de Jawhara FM, ces dépouilles seraient celles des éléments terroristes retranchés au mont Smama et qui auraient été victimes de l'intensification des tirs d'artillerie lors des opérations militaires de grande envergure effectuées au mont Chaambi depuis le début du mois d'août.