Il est clair que l'opinion nationale sera sensible à pareil événement et pourrait sanctionner, d'une manière ou d'une autre, le personnel politique. La crise s'exacerbe en Irak. Elle intervient après les événements du 11 septembre qui ont mis l'activisme islamiste international sous la surveillance étroite des Etats-Unis. Cette nouvelle guerre annoncée n'implique pas, aujourd'hui, les mêmes réactions que celles qu'on a constatées en 1991, où les premières et plus importantes manifestations pro-Saddam ont commencé à Alger, provoquant un effet d'entraînement dans d'au-tres pays arabes. Cette fois, la rue algérienne n'a pas bougé. Après une décennie sanglante, bien des enseignements ont été tirés et les bains de foule n'ont apparemment plus l'effet salvateur d'antan. Néanmoins, à plus d'une année de la présidentielle, les quartiers généraux des principaux partis politiques s'agitent à leur façon. Si les démocrates restent sur leur réserve, l'aile islamiste surenchérit et tente de capitaliser l'événement à son avantage. D'autant plus que si la guerre contre l'Irak venait à se déclarer, ce serait alors au moins six mois de campagne sur une rampe de lancement toute préparée: la dénonciation de l'agression sur fond de populisme au nom de la solidarité arabe. Une éventualité dont sont conscients les démocrates qui, pourtant voyaient en le 11 septembre la fin de leur «hantise». Le MDS de Hachemi Cherif, à juste propos, clame que l'attitude actuelle des Etats-Unis ne sert pas les intérêts de la paix mondiale, mais celle du terrorisme international et que tous les efforts faits après le 11 septembre pour rallier l'opinion mondiale à la lutte antiterroriste risquent de se voir anéantis, outre le fait que les menaces de frappes font courir un réel risque d'embrasement à toute la région du Moyen-Orient. Par ailleurs et n'étant pas en odeur de sainteté avec les «combattants du mal», les USA, toute manoeuvre d'envergure des islamistes risque de se voir entravée, contrairement aux partis démocrates ou dits de gauche à l'instar de celui de Hocine Aït Ahmed qui appelle à une position commune de l'Internationale socialiste à travers une conférence internationale pour la paix au Moyen-Orient, où il n'y a pas de casus belli. C'est également le cas du Parti des travailleurs qui veut, pour sa part, voler la chandelle au camp des islamistes en appelant à une pression sur les parlementaires afin qu'ils traduisent mieux les attentes de la rue vis-à-vis du quiproquo irakien. Le FLN n'est bien entendu pas en reste, puisqu'il inscrit la question irakienne à chacune de ses réunions à travers le pays. Mais les données de l'heure, loin de dissuader l'aile islamiste, font que ces derniers s'agitent avec un sens étonnant de l'anticipation, à l'image du MSP qui, auparavant a réuni une commission nationale de soutien à l'Irak et ne cesse de scander: «Laissez-nous marcher.» Même son de cloche côté MRN d'Abdallah Djaballah qui se prononce au nom de la solidarité arabe à travers quelques rassemblements populaires mais «intra-muros». Face à la crise irakienne, l'opposition compte déployer, chacune de son côté, une méthode pour charmer l'électorat, car l'aubaine est bien là. Une crise qui ne peut laisser indifférent. Il s'agit de celle d'un peuple frère. Mais le champ des initiatives se trouve particulièrement restreint de par l'évolution des choses, nationales et internationales. Il va falloir aux partis faire preuve de beaucoup d'imagination pour amener leurs électeurs à adopter des positions souvent maximalistes sur la question irakienne. A quelques semaines des frappes, la rue algérienne ne semble pas très encline à montrer bruyamment sa solidarité au peuple irakien. Cependant, l'interrogation demeure entière quant à sa réaction à la guerre en elle-même. Il est, en effet, clair que l'opinion nationale sera sensible à pareil événement et est à même de sanctionner d'une manière ou d'une autre le personnel politique qui prépare activement la prochaine élection présidentielle. D'où toute l'agitation partisane autour de la question. Que fera la rue algérienne? C'est là la plus importante question que doivent se poser les prochains candidats à la présidence de la République.