Depuis que ces groupes ont été placés sur la liste noire des 30 organisations terroristes les plus dangereuses par Washington, les experts antiterroristes redoutent une vague d'attentats spectaculaires en Algérie, comme le prouve le massacre de Larbaâ. La vague d'arrestations des réseaux islamistes en Europe, particulièrement en Espagne et en Grande-Bretagne, a révélé l'implication de plusieurs éléments terroristes issus de la mouvance algérienne appartenant indifféremment au GIA, au Gspc salafiste ou au groupuscule Al-takfir ouel hijra (anathème et exil). Ces cas démontrent aux spécialistes algériens en matière de sécurité que les connexions entre les réseaux locaux et les circuits islamistes en Europe sont toujours aussi actifs et entreprenants et que l'alimentation des maquis terroristes en Algérie en armes, en argent et en instructions, ne s'est pas tarie. La meilleure illustration de la persistance active de ces connexions est un enregistrement vidéo découvert par les policiers espagnols dans un des appartements perquisitionnés, mercredi dernier, lors de l'arrestation d'une cellule salafiste liée à Ben Laden. Sur cette vidéo se trouve une séquence d'une embuscade tendue à une patrouille de l'ANP sur laquelle est mentionnée la date du 1er septembre 1999. Ce genre de cassettes est une spécialité des réseaux islamistes algériens à l'étranger, puisque des cassettes montrant des exécutions et des égorgements de soldats algériens par les terroristes du Gspc de Hassan Hattab sont distribuées par les islamistes algériens à Londres sans qu'ils fussent précédemment inquiétés. Les risques actuels de recrudescence concernent surtout le changement du mode opératoire terroriste. Après le communiqué non authentifié de Hassan Hattab promettant de s'attaquer aux intérêts américains et européens en Algérie, les mesures de sécurité ont été renforcées de façon draconienne, notamment autour de sites sensibles tels que les ambassades et les entreprises économiques occidentales à Alger. Même si les attentats-suicide ne sont pas prisés par les islamistes algériens hormis l'attentat du boulevard Amirouche, lorsque deux anciens afghans algériens ont fait sauter leur 4x4 bourré de TNT contre le siège du commissariat central, les services de sécurité multiplient le contrôle sur tout ce qui est relatif au transport aérien et terrestre, comme le démontre le dispositif mis en place autour de l'aéroport d'Alger. Le massacre de Larbaâ, aux portes d'Alger, organisé de telle manière à créer une onde de choc médiatique, est une des illustrations de la transformation de ce mode opératoire. Après le reflux des massacres à grande échelle de 1997, les terroristes s'étaient attaqués à des hameaux isolés en pleine campagne, sans risque d'affrontement avec les services de sécurité. Avec le massacre de Larbaâ, les terroristes du GIA, scindés en deux groupes distincts avec un timing serré, ont commis un massacre «élaboré» dans sa préparation et son exécution. Un cas de comparaison s'impose. Les groupes terroristes risquent ainsi d'adapter leur stratégie en rapport avec les événements internationaux, recherchant à affirmer leur présence et s'inscrire dans une sorte de solidarité islamiste internationale avec Oussama Ben Laden et le régime des taliban. Du fait que les groupes restants dans les maquis se savent condamnés et n'ont, selon la formule de Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur, «le choix qu'entre une réédition sans conditions et le suicide», des actions désespérées ,mais extrêmement ciblées sont à craindre dans les prochaines semaines. Certains évoquent même, dans le sillage des événements américains et en cas de liquidation de Ben Laden, une recrudescence sans précédent pour le ramadhan. Les groupes terroristes joueront alors leur va-tout.