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Nuit d'horreur à Larbaâ
23 PERSONNES ASSASSINEES
Publié dans L'Expression le 29 - 09 - 2001

Une famille entière décimée, deux autres meurtries, une ville en émoi et des riverains qui demandent à s'armer immédiatement. Tel est le bilan de l'incursion terroriste de mercredi dernier.
Retour sur les lieux du drame, au lendemain du carnage. Les quartiers Djibolo et El-Qariya pansent leurs blessures et essayent de s'organiser afin de parer à d'éventuelles attaques terroristes. Sur les hauteurs près de Beni Mellal, les sandales de la petite Hamida, maculées de sang, traînent par terre, le voile de sa mère, Ghalia, est emporté loin par le vent. Les maisons des trois familles, Djouabi, Driss et Ouchène, portes et fenêtres ouvertes, sont vides. Horriblement vides. Seuls des poussins picorent les graines par terre.
Pourtant, tout avait bien commencé, mercredi, à Djibolo, fief de l'ex-AIS s'il en est. M.Brahim recevait ses invités dans le grand garage aménagé, pour cette nuit, en grand salon. A ce moment-là, deux terroristes pénètrent dans le garage et prennent place parmi les convives. Ils se font même servir du couscous. Il est 20h 10 min. Ils portent des treillis militaires et des kalachnikovs. Six de leurs compagnons attendent dehors, en tenue militaire, eux aussi. A un moment donné, le père de la mariée, chez qui se déroulait la fête, s'enquit de l'identité des «invités inconnus». Là, les deux terroristes se lèvent et commencent à mitrailler dans toutes les directions. Deux de leurs compagnons, restés à l'extérieur, entrent à leur tour et tirent sur les convives qui s'enfuient dans toutes les directions.
Premières victimes: Hacène Selma (30 ans) et son frère Boualem (66), Zernit Mohamed (10), Saïd (34), les deux garçons, Bakir et Abderrezak (5) et Radia (3), Zigha Djilali (14) et trois autres personnes. Onze corps inertes sont étendus, criblés de balles, sur la dalle. Il y a aussi plusieurs blessés parmi les invités, dont l'un succombera le lendemain, jeudi. Dehors, le groupe tue une vieille de 50 ans, Ghoula Messaouda, qui rentrait chez elle. Le groupe se replie vers les hauteurs, en passant par les misérables mansardes des familles Djouabi, Driss et Ouchène. Djouabi Abdelkader, voyant le groupe arriver, commence à tirer, mais bientôt son fusil à pompe à cinq coups se tait. Quatre terroristes défoncent la porte de sa maison et commencent à tuer, par armes à feu surtout, mais aussi avec des armes blanches. La petite Djouabi Saïda (2 mois) est décapitée par une machette, le père, Abdelkader (45 ans), est criblé de balles. Passeront aussi, l'un après l'autre, Fatiha (8), Hamid (16), leur maman Ghalia et leurs autres frères. Huit personnes en tout. Le sang, qui maculait encore les murs lors de notre passage, et le sang coagulé qui couvrait le parterre, renseignent sur la sauvagerie des bourreaux. Le fusil de Abdelkader est récupéré et une jeune fille enlevée. Miraculeusement, elle réussit à s'enfuir et rejoint la brigade de gendarmerie.
D'autres familles perdront leurs enfants au passage de la horde sauvage. Sabiha Driss (10) et son père Ali (45), ainsi que Hocine Ouchène (46) et sa fille Nacéra (10), sont tués sur le seuil de leurs maisons. Misérables taudis enclavés au flanc des montagnes de Djibolo et qui n'abritaient, hier, que quelques oiseaux de basse-cour et des nuées de mouches et d'insectes, attirés par le sang humain coagulé.
Un carnage et des interrogations. Des morts, beaucoup de morts en une seule nuit, dans une zone réputée être le fief de l'ex-AIS. Mais aussi une zone de transit du Gspc et des GIA.
Les repentis, qui peuplent les quartiers populaires de Djibolo et d'El-Qariya, regardent indifférents l'ébullition des citoyens. Ils en savent peu. Ou beaucoup. Mais ne disent rien. Même pas un mot lorsque le chef de brigade dit tout haut que jamais aucun groupe n'ose intervenir dans la nuit, dans le quartier de Djibolo, sans une aide «intérieure».
Larbaâ, ville paradoxale, qui abrite toutes les tendances de la nébuleuse islamiste radicale. Des dizaines de repentis, qui se lèvent, vaquent à leurs occupations et regagnent, la nuit, leurs familles. Aucune perspective pour l'avenir, aucun rêve qui s'approche. «Là-haut», leurs «frères d'armes» continuent à entretenir la folle aventure d'instaurer la cité de Dieu sur la terre des hommes. Par le feu et par le sang. «En bas», une terrible tentation met les esprits en effervescence.


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