Il reste aujourd'hui à donner à ces villes toute la dimension qu'elles méritent. C'est aujourd'hui que sera célébré le 45e anniversaire du massacre de Sakiet Sidi-Youcef, date tragique, s'il en est, qui a scellé dans le sang, indéfiniment, l'histoire et les destins des deux peuples, algérien et tunisien. Dans son message à son homologue tunisien, le président Zine El-Abidine Ben Ali, le Président Abdelaziz Bouteflika a indiqué que «les événements de Sakiet Sidi Youcef demeurent (...) un symbole de sacrifice pour la dignité et une des plus grandes épopées de notre histoire commune qui restera ancrée dans la mémoire collective de nos deux peuples frères comme une source d'inspiration pour les générations présentes et futures». Le 8 février 1958, rappelle-t-on, l'aviation de l'armée coloniale française a bombardé le village tunisien de Sakiet Sidi-Youcef, près de la frontière algérienne, où stationnait le quartier général de l'armée des frontières de l'ALN (Armée de libération nationale), en guise de représailles. Une opération par laquelle l'armée française tentait, d'une part, de «punir» le peuple tunisien, pour son soutien indéfectible à la Révolution algérienne, et, d'autre part, de porter un coup qui se voulait fatal à l'armée de libération algérienne des frontières. Quelques semaines plus tôt, le 11 janvier 1958, lors d'une bataille avec les forces françaises, l'ALN avait capturé quatre soldats français. A titre de représailles, l'armée française avait mobilisé 28 avions qui ont pilonné «aveuglement» les habitations, rasant tout un village et tuant des centaines d'innocents civils tunisiens. Une rage qui n'exprimait rien d'autre que le «désespoir» de l'armée coloniale face à la résistance de l'ALN. Malgré le bouclage des frontières et l'instauration, notamment de la fameuse ligne électrifiée Morice devant rendre la frontière algéro-tunisienne hermétique, les opérations de la résistance algérienne se sont poursuivies. Ces dispositions de l'armée coloniale n'ont pas empêché le combat de libération de prendre de l'ampleur. A contrario, le bombardement de Sakiet Sidi Youcef a permis à la solidarité entre les deux peuples de s'exprimer et de se renforcer dans ce combat pour la liberté. Pour preuve, durant la période sanglante, des années 90, alors que l'Algérie subissait, inlassablement, des attaques viles et insidieuses, de tout bord, afin de la fragiliser davantage, la Tunisie de Ben Ali est restée le voisin sûr, par excellence, de l'Algérie meurtrie. Les tentatives diplomatiques de l'Algérie, durant cette même période, visant à faire comprendre aux capitales occidentales les dangers de l'islamisme sanguinaire, assimilé alors à «l'opposition armée» sont restées sans écho. Seules, d'abord, la Tunisie et, ensuite, l'Egypte, qui toutes deux souffraient déjà des mêmes maux, ont été attentives et menaient, avec et pour, Alger le même combat. Plus, alors que les citoyens algériens se sentaient, à juste titre, «partout» indésirables, voire interdits d'entrée, la Tunisie a été l'un des rares pays à ouvrir ses portes, sans imposer de visa aux Algériens. Que cela ne soit pas trop rapidement oublié ou «malhonnêtement» ignoré. Lors de la conférence organisée dans ce cadre par l'association Machâal Echahid, en collaboration avec le secrétariat du Conseil consultatif maghrébin (CCM), sur «les réactions médiatiques et diplomatiques suite au massacre de Sakiet Sidi-Youcef». M.Lamine Bechichi, membre de la mission médiatique de la révolution algérienne à Tunis et au Caire rappela que «le secrétaire d'Etat américain, M.Foster Dulles, avait déclaré que l'Amérique ne s'arrêtera pas à des considérations juridiques dans l'examen du problème algérien au sein de l'Alliance atlantique ou toute autre institution qui permettra d'améliorer les choses». Pour cela, un Maghreb économique uni et solide serait, pour cette région, le plus sincère des hommages. Même si, certes, Sakiet Sidi-Youcef accueille régulièrement des rencontres entre hommes d'affaires algériens et tunisiens afin, tout en commémorant les faits d'armes algéro-tunisiens, de consolider, économiquement, cette relation privilégiée, le plus gros, en effet, reste à faire.