Sous le regard aigu du colonel Ayoub, président de la cellule de communication au commandement de la Gendarmerie nationale, ces opérations ont permis à la presse nationale de constater de visu les fléaux sociaux qui gangrènent l'est du pays, bien que de moindre ampleur qu'à l'Ouest. Le périple a commencé à la gare d'Alger en ce mercredi 5 avril. Il est 20h45 et le train rapide s'ébranle pour rejoindre Annaba. Nous prenons place à côté des éléments de la gendarmerie, dans le dernier wagon en compagnie de la police des trains, relevant de la SNTF. Les aboiements d'un chien berger sniffeur provoquent la curiosité des présents. A chaque escale du train, des éléments de la police des trains guettent le moindre geste dans les arrêts. A Réghaïa, l'effectif se renforce par un groupe d'intervention et de réserve (GIR). A 22h environ, la fouille commence. Les gendarmes et la police des trains passent au peigne fin les wagons. Toute personne suspecte est soumise au contrôle. Seul le wagon familial est épargné par cette inspection. Heureusement, aucun malfaiteur n'était à bord du train cette nuit-là. Mourad, 30 ans, est un habitué du train. Il avoue que la situation s'est sensiblement améliorée. « Ce n'est plus comme les années 1990 où prendre un train relève d'une mission dangereuse », dit-il. Nabil, lui, trouve le prix du ticket exorbitant et se plaint également des conditions d'hygiène dans les wagons. Par ailleurs, le chef de la police des trains, tenue modeste qui nous rappelle la police communale, déplore le manque de moyens pour ses éléments comparativement à la Gendarmerie nationale. « Nous travaillons dans des conditions difficiles. On veut des talkies-walkies, des tenues neuves et des moyens de lutte conséquents », dira-t-il, non sans regret. Parfois, ces policiers font face à des situations si difficiles qu'ils s'exposent à des dangers réels. Certains voyageurs sont des malades mentaux et ne font qu'aller et revenir dans les trains. D'autres s'adonnent à des boissons alcoolisées et portent des armes blanches. Certains encore sont des chômeurs et ne paient pas les frais du voyage. C'est dire que la maîtrise de la contrebande qui s'étale notamment durant la nuit est tributaire d'une coopération avec la gendarmerie. Ainsi, les patrouilles de la gendarmerie sont appelées à devenir régulières. A 2h, notre voyage se termine à Sétif et le travail de la gendarmerie ne fait que commencer. Prostitution à Sétif Après une préparation minutieuse durant la matinée de jeudi, le groupement de la gendarmerie a réussi, vers 17h, un véritable assaut sur un hangar qui échappe, au demeurant, à tout œil anodin. Plongé dans une large ferme et clôturé par des parpaings, ce lieu est transformé en un « cabaret à ciel ouvert » : consommation des boissons alcoolisées et prostitution en toute clandestinité. La gendarmerie a quadrillé les lieux et pénétré la forteresse des malfaiteurs. La capture a été importante. Une centaine d'hommes en état d'ivresse avec, pour certains, port d'armes blanches et 11 jeunes femmes prostituées, toutes des récidivistes. Djamila, 23 ans, tenue légère et peau raidie raconte : « Je suis universitaire et j'ai décroché un contrat dans une société. Une fois le contrat expiré, toutes les portes m'ont été fermées. Pour pouvoir faire vivre ma famille, j'étais contrainte de vendre mon corps. Que voulez-vous, je n'ai aucun choix. » Le même motif revient comme un refrain dans la bouche des jeunes filles : les mauvaises conditions sociales. Selon le chef de l'opération, le responsable de ce hangar a obtenu une autorisation pour vendre des boissons alcoolisées en gros alors qu'il les vend en détail en rassemblant des jeunes prostituées sur les lieux. Ainsi, après examen de la situation, la gendarmerie saisira le wali pour un arrêté de fermeture. Agressions à Batna et à Biskra A notre arrivée à Batna, samedi après-midi, le groupement de la gendarmerie, appuyé par des éléments de la Sûreté nationale, a mobilisé l'ensemble de ses forces pour quadriller le centre-ville, notamment les deux gares routières, qui constituent un lit pour la criminalité et la contrebande. Dans la nouvelle gare routière, la police judiciaire et la brigade ne laissent aucun fourgon échapper au contrôle. Après 10 minutes d'inspection, un gendarme a mis la main sur un jeune adolescent avec une plaque de drogue et une arme blanche. Le jeune avoue qu'il est étudiant universitaire. A l'ancienne gare routière, un autre jeune homme a été intercepté avec une bombe lacrymogène. Il a, aussitôt, été arrêté. Selon les dires du lieutenant-colonel, Zakaria, chef du groupement de wilaya, le fait saillant à Batna est l'agression contre les personnes avec 7 crimes et 252 délits durant le 1er trimestre 2006. 30 personnes ont été incarcérées et 307 mises en liberté provisoire. Sur un autre registre, et pour la même période, Batna a enregistré 167 accidents de la circulation avec 17 morts. Il a été procédé à 365 retraits de permis de conduire et 7062 amendes forfaitaires. Cependant, avoue le lieutenant-colonel, 78,47 % n'ont pas été payées et elles doivent être prises en charge par la justice. La dernière halte de la gendarmerie a été la porte du Sahara, Biskra, où, après une patrouille inopinée, 2 personnes qui vendaient des boissons alcoolisées à l'intérieur de leur maison ont été arrêtées la veille du Mawlid Ennabaoui. 377 canettes de bière et 50 bouteilles de vin ont été saisies. La brigade de la sécurité routière a saisi 25 motos qui ont été mises en fourrière. Dans la même journée du lundi, 12 personnes arrêtées ont été relaxées suite aux instructions du procureur. Le crime contre les personnes constitue, là aussi, la priorité de la gendarmerie avec 7 crimes et 136 délits pour le 1er trimestre 2006. Durant cette échéance, 7,454 kg de kif traité et 670 psychotropes ont été saisis. S'agissant de la circulation routière, 19 morts et 166 blessés sont à déplorer pour le 1er trimestre 2006. Un bilan qui reste similaire à celui de 2005. Cette semaine, qui coïncide avec la fête du Mawlid, a permis la récupération par la gendarmerie d'une grande quantité de produits pyrotechniques dans les trois wilayas. Selon les déclarations du colonel Ayoub, ces trois wilayas restent relativement à l'abri des malfaiteurs comparativement à Oran ou Annaba.