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Le rouge visage de la pudeur
LE TEMPS DE LIRE «LE SANG DE LA FACE» DE RATIBA KHEMICI
Publié dans L'Expression le 13 - 02 - 2003

Hayat et Radia sont le souffre-douleur d'une mère téméraire et les dépositaires du secret d'un drame ignominieux.
Dans son roman Le sang de la face (*), Ratiba Khemici (actuellement professeur d'anglais à l'Ecole normale supérieure de Kouba) a mis un petit air de bonne pédagogie pour développer sa préoccupation essentielle: le témoignage de son jeune personnage Hayat, surnommée «tête de chitan» et, dirai-je, de son alter ego Radia, sa soeur, plus jeune qu'elle de deux ans et qui refuse le sobriquet «moustaches Razraine». Elles ont toutes les deux une vie de cauchemar dans leur milieu familial, un milieu miné de tabous et semé, dans toute son étendue, de démesure, d'hypocrisie, de mensonge, de peur, de haine, de tout ce qui dénature l'homme et avilit la femme.
Ce cauchemar, devenu une habitude, est une sorte de jeu obligé dans lequel se disputent sans cesse la candeur et la fausseté, la responsabilité et l'infamie. Ratiba Khemici décrit telle société avec soin, je dirais, avec méthode et insistance. Elle recourt à un thème-prétexte très prenant, chapitre après chapitre, et c'est tour à tour un moment amusant, angoissant, poétique, révoltant, émouvant pour aborder en détail et en situation les problèmes sociaux soulevés par «l'autorité» masculine; - le tout à une époque indécise, dangereuse, coloniale. Le mâle n'a alors d'orgueil et donc d'existence que dans, que par le mal qu'il fait et dont il fait sa fortune et sa raison d'être. Par exemple, «les kachabias», cousues par la mère et imposées à ses filles Hayat et Radia, peuvent constituer la symbolique que l'on subodore dans le sang de la face, ce rouge visage de la jeune fille pudique, de la jeune fille bien née, la bent annâs, la jeune fille de bonne famille, - mais qui ne comprend pas le subterfuge qui est mis là? C'est pourquoi «le cauchemar» poursuivra les deux jeunes filles. Mais paradoxalement - et naturellement -, c'est Radia qui en sera la proie désignée. Elle portera constamment, ce «cauchemar», et cette fois-ci, et c'est plus affreux, dans son sommeil très agité à la suite du terrible récit de Tante Messaouda dont «l'image était en Radia».
De fait, nous sommes en présence d'un onirisme en contrepoint de la narration linéaire et de l'allure générale modeste du roman. Radia est en conséquence une sorte d'exutoire qui, a contrario, libère brusquement sentiment et ressentiment longtemps retenus; - et elle demande secours à sa soeur Hayat pour la «libérer complètement de ces parasites». Elle se voit enfermée dans la peau d'un mouton, mais n'est-ce pas un linceul? N'est-ce pas cette horrible kachabia que leur mère a (à elle et à sa soeur) cousue et les a obligées de porter? N'est-ce pas encore une invention de sa mère «pour l'empêcher d'aller à l'école...de voir Joëlle...le mimosa de la cour de récréation...madame Raynoir...à moins que monsieur le curé ait réussi à retrouver sa kachabia...celle qu'elle croyait totalement disparue...c'est donc pour cela qu'elle est si sale...Elle a tellement traîné sur le corps des affreux garnements qu'elle a ramassé toutes les impuretés possibles (...) Oui, il faut appeler au secours...ses pieds sont paralysés par l'effort tant ils butent contre la paroi du fond...» Radia appelle Hayat à son secours. Celle-ci la réveille en la secouant et en lui demandant ce qui lui arrive, tandis que tout le monde dort. «Les yeux enfin ouverts et bien écarquillés, (Radia) sauta au cou de sa soeur en s'exclamant d'allégresse: - c'était un cauchemar...ce n'était donc pas vrai...c'est fini...n'est-ce pas que c'est fini...hein...dis-moi donc...Hayat...monsieur le curé n'a pas retrouvé le sac...je veux dire la kachabia...je t'en prie...dis-moi que ce n'est pas vrai... qu'il ne l'a pas retrouvée...» Hayat finit par «saisir le message».
On peut dire que ce roman est celui de la douleur tracée, certes moralement, dans le corps de la jeune Radia, mais douleur quand même profonde, insoutenable, irrépressible, liée à l'inceste commis par le grand-père et à la malédiction dont celui-ci accable la mère de Radia et Tante Messaouda, car, faisant fi de toutes les règles elles l'ont dénoncé. L'une n'aura des filles - quel malheur, n'est-ce pas dans une famille où le mâle est vénéré! -, et ses filles seront - quelle monstruosité! - toutes déshonorées; l'autre Tante Messaouda maudite par le père: «Tu seras l'épi de blé et moi la lame acérée de la faux qui le coupera (...) Ya Messaouada! l'infime flamme de la vie qui subsistera en toi s'éteindra dans la tristesse et la désolation d'un jour sans soleil...!» Quand? Comment? Par qui? Le retentissement de cette violence sourde est énorme sur la sensibilité de la fillette qui ne peut oublier ce qui est «une vieille histoire déjà pour Hayat, mais pour Radia, elle était encore toute fraîche dans son esprit. Les kachabias subtilisées, monsieur le curé, la fureur de la mère, les prédictions de Aïcha Cabot, l'assaut des militaires, la course folle en pleine nuit pour demander du secours au Docteur Pouchin, le sang de la face, les terribles choses dont Hayat et Kenza («l'horrible Kenza qui passait son temps à épier les autres») lui avaient fait part après les révélations de Tante Messaouda, ces explications chuchotées à la sauvette sur son sexe, son anatomie, celui de la gent féminine et sur l'abominable risque que toutes encouraient en présence des mâles, tout cela l'avait secouée et la bouleversait toujours».
Ratiba Khemici a écrit une oeuvre forte, très forte même. Ce premier roman porte les stigmates d'une suite d'événements dangereux qui semblent être vraiment arrivés, sans doute observés, peut-être vécus. Pourtant tout le récit est pudeur, car la vérité d'écrire est le fait d'écrire intelligemment vrai. Ici, je sens la jeunesse de l'auteur, et je sens une belle tentative de dire au plus juste ce que notre société en évolution est en droit d'attendre une littérature d'aujourd'hui: inventer le regard nouveau qui se chargera de décrire le beau authentique mais aussi l'odieux avéré et que d'aucuns cherchent toujours à masquer ou à taire. Ce qui est, pour l'esprit libre et honnête, la même chose. Aussi, s'il subsiste quelques maladresses, quelques longueurs, éventuellement des faiblesses, voire quelques erreurs de perception dans la psychologie des personnages, que l'auteur, dans l'enthousiasme de la création, n'a pas décelées, il reste que le sujet est original et agréable à lire, et qu'il faut se convaincre qu'un écrivain est né.


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