Cette rencontre, qui se jouera dans des conditions très particulières, revêt un caractère éminemment politique et social pour les deux pays. Une affaire d'Etat presque. Samedi prochain Paris accueillera le match de football France-Algérie. Cette rencontre amicale opposera les actuels champions du monde à une équipe à la recherche de son lustre d'antan. En fait, elle revêt un aspect tout particulier parce qu'elle mettra aux prises les représentants de nations aux relations politiques pas toujours au beau fixe. La portion d'histoire commune, qui a vu l'Algérie se débarrasser du joug colonial avec tant de courage et de sacrifices, n'est pas encore totalement digérée par les tenants de mentalités rétrogrades, relayés par les nostalgiques de la période coloniale. Pourtant, sitôt remportée la finale de la Coupe du monde 1998 par la France face au Brésil, des milliers de drapeaux algériens ont été brandis dans les rues de Paris. Les prouesses de Zidane, l'artiste, l'enfant du pays y étaient pour beaucoup. Mais en France également, le football est devenu un phénomène de société qui enflamme les foules et suscite toutes les passions, même au sein de la corporation politique. N'a-t-on pas vu ses principaux dignitaires se mettre en tenue pour le match et être tout exubérance. La rencontre de football de samedi sera, elle aussi, une première en son genre bien que l'Algérie ait battu la France lors des Jeux méditerranéens d'Alger en 1975, à 2 reprises, notamment à l'issue d'une mémorable finale au stade du 5-Juillet. Le contexte était alors tout autre, politiquement, socialement et sportivement. Pour ce nouveau rendez-vous, le Stade de France sera plein à craquer. Il affiche complet depuis plusieurs jours déjà. Ils seront aussi des millions devant leur téléviseur ou poste de radio à vivre intensément la rencontre-événement. Celle-ci se disputera sous haute surveillance. La France, sous la pression américaine, semble être réellement décidée à prendre des mesures dans le cadre de la lutte mondiale contre le terrorisme. En réactivant son plan Vigipirate, elle veut se prémunir contre toutes actions d'éclat ou de représailles, en relation avec les derniers attentats aux USA. Plus de 80.000 émigrés algériens et binationaux, dans un même endroit au même moment, les yeux rivés sur la même pelouse, ce n'est pas un match comme les autres. Si l'équipe algérienne bat le champion du monde et d'Europe, Madjer et les Verts auront accompli un acte politique de premier ordre en direction des jeunes Algériens frappés de frustration. Un acte qui permettra aux gouvernants de renforcer la cohésion sociale entre les Algériens. Pour les politiques français qui prônent le discours intégrationniste, il n'y a pas meilleure occasion. Cependant, Algériens et Français partagent aussi le syndrome du GIA et du Gspc. La menace de ces deux organisations terroristes plane sur le Stade de France. Les dernières arrestations survenues suite aux attentats contre les Etats-Unis, prouvent, si besoin est, que des réseaux terroristes, notamment dormants, existent bel et bien. Nonobstant les discours rassurants quant à l'efficacité du plan Vigipirate, les craintes demeurent néanmoins persistantes, lorsque l'on sait que le match coïncide aussi avec les procès de certains groupes terroristes proches du GIA et du Gspc, ayant des liens avec la Qaîda de Ben Laden et les réseaux dormants notamment ceux d'Ahmed Zaoui et de Rachid Ramda, condamnés par contumace et considérés comme la clé et les commanditaires des attentats du RER en 1995.