L'alliance entre l'Ugta et les principales organisations patronales du pays va subir sa première épreuve du terrain. Le patronat, toutes tendances confondues, ne devrait pas s'opposer à la grève nationale de deux jours à laquelle a appelé l'Ugta. Depuis de nombreux mois, en effet, des négociations ont été ouvertes entre employeurs et employés. Celles-ci ont abouti à un consensus important et unique dans les annales algériennes, peut-être même mondiales. Les patrons et l'Ugta rejettent la politique sociale et économique des pouvoirs publics qui, disent-ils, ne lèse pas seulement les travailleurs, mais aussi l'investisseur pris au cou par les facilités accordées aux importateurs et la concurrence déloyale qui en résulte sur la production nationale. Une conférence sociale et économique, organisée par l'Ugta et les organisations patronales, devait même avoir lieu vers la fin de l'année écoulée. L'événement, qui revêt une importance capitale, estiment de nombreux experts et ob-servateurs, n'est pas annulé même si les événements ont causé de nombreux ajournements. Les patrons, qui ne se sont pas exprimés sur la grève de deux jours, ne devraient pas s'y opposer. C'est ce qu'ont estimé hier des cadres syndicaux joints par téléphone. Pour eux, «une bonne partie des revendications brandies rejoint celles des opérateurs algériens créateurs d'emplois et de richesses». Nos sources précisent que «même la révision à la hausse du pouvoir d'achat, donc des salaires, est une bonne chose en soi puisque des dividendes importants en résulteront». Explication. L'amélioration du pouvoir d'achat induira de facto un regain de consommation, ce qui aura pour effet direct de doper la production nationale, améliorant par là même les chiffres d'affaires des opérateurs nationaux, générant au passage de nouveaux postes d'emploi. Patrons et syndicats, en somme, se rejoignent sur un point, celui d'un meilleur partage des richesses nationales qui, pour le moment, ne profitent qu'aux importateurs. Ces derniers, pourtant, ne rendent aucun service à l'économie nationale, induisant même une concurrence déloyale aux produits locaux avec les fermetures d'entreprises et les pertes d'emplois qui en résultent inéluctablement. Le silence des grandes organisations patronales semble être un assentiment discret. La plupart des organisations que nous avons pu joindre hier par téléphone se sont montrées réservées sur leur position, préférant temporiser, observer une relative neutralité, non sans se montrer favorables à une bonne partie des points soulevés dans la plate-forme de revendications de la Centrale Ugta. Cette dernière, qui a incontestablement le vent en poupe, a même été rejointe par le Snapap - dont les mots d'ordre de grève passent toujours inaperçus - qui compte redorer son blason à l'ombre de la désormais puissante Centrale syndicale. Si rien, désormais, ne peut stopper la machine, les questions qui se posent ont toutes trait aux suites que réserveront les pouvoirs publics à ce mouvement. A cette croisée des chemins, le pire, aussi bien que le meilleur, semble possible...