Après une prudence extrême dans leur approche de la coalition, les liens culturels et religieux semblent primer parmi les pays arabo-islamiques. Le sentiment endémique de nouvelles croisades et de conspiration sioniste, la conscience arabe, le pacte religieux et les principes de l'OCI, exigeant solidarité et entraide, sont autant de facteurs qui ont favorisé une décantation dans les différentes positions de ces pays. A commencer par l'Algérie, qui, depuis les attentats du 11 septembre, a affiché sa parfaite disponibilité à contribuer en matière de renseignement et de concertations pour éradiquer le terrorisme. En revanche, l'envoi des troupes armées algériennes en terre afghane est une éventualité exclue, puisque la Constitution l'interdit. L'Arabie Saoudite reste ferme dans son refus d'accorder aux Etats-Unis une aide logistique dans sa campagne antiterroriste. Les responsables saoudiens soutiennent que leur territoire ne servira pas au lancement des frappes envisagées par les USA contre l'Afghanistan. «Le royaume n'acceptera pas la présence de troupes étrangères sur son sol pour combattre les Arabes et les musulmans», a déclaré, dimanche, le prince Sultan Ben Abdelaziz. Il a précisé aussi que «le royaume n'a encore reçu aucune demande spécifique pour participer à la lutte antiterroriste. Nous sommes contre le terrorisme et notre participation sera décidée, selon nos intérêts». La Syrie, qui a fermement condamné les attentats du 11 septembre, souhaite, quant à elle, qu'une coalition antiterroriste soit dirigée par l'ONU et non par les Etats-Unis. Al-Baath, un organe du parti au pouvoir, en Syrie, a appelé les USA, hier, à s'abstenir d'engager une intervention militaire contre l'Afghanistan. «Nous pensons que livrer une guerre, sans preuves tangibles, pourrait conduire à des dangers multiples», a écrit le journal. «Le terrorisme israélien dépasse tous les terrorismes, et il est le plus dangereux, puisqu'il est planifié par un Etat qui possède une puissance militaire terrible», souligne le même quotidien. Il va sans dire que les dirigeants arabes et musulmans sont unanimes à déclarer qu'une solution au terrorisme est étroitement conditionnée par le règlement du conflit israélo-palestinien. Le roi Abdallah II a, lui aussi, insisté sur l'urgence d'une solution au conflit avec Israël, lors de sa visite, dimanche en Palestine. Même si elle n'a pas encore rejeté, officiellement, son éventuelle participation aux actions militaires, l'Egypte reste très prudente et ne cache pas sa méfiance, quant aux «objectifs réels de la coalition». Certains milieux proches de Hosni Moubarak estiment que l'Egypte doit soutenir la coalition pour empêcher toute dérive allant contre les intérêts de leur pays. Ils avancent que l'opinion publique, qui commence à se préoccuper des retombées économiques de la crise, pourrait fermer les yeux par «réalisme». Mais il reste à savoir quelle sera l'attitude des islamistes égyptiens qui, jusqu'à présent, affichent un profil bas, sans oublier aussi et surtout la position de l'université d'El-Azhar. Le Pakistan, qui s'est montré disponible à aider Washington sur le plan logistique, fait face à une grande pression de son opinion publique. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré, hier, que pour l'instant, «le Pakistan exclut la possibilité d'envoyer ses troupes en Afghanistan». Cette déclaration vient appuyer les propos tenus, dimanche, par le président Mucharef qui a, lui aussi, exclu l'utilisation des forces militaires pakistanaises en Afghanistan. De son côté, l'Iran a réaffirmé, hier, son désaccord avec la définition américaine du terrorisme et s'oppose catégoriquement à une riposte militaire américaine. Téhéran s'est prononcée pour «une action internationale contre le terrorisme qui soit organisée, coordonnée et prudente». Enfin, les positions des pays arabes et islamiques, de plus en plus convergentes, remettent sérieusement en cause le: «Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous.» Mais réussiront-ils à faire durer leur position dans le temps?