La participation algérienne étant acquise au sein d'une coalition antiterroriste internationale, Alger continue, toutefois, à cultiver le silence officiel sur la nature de son apport à la lutte lancée par Washington. Car pour le gouvernement algérien, la plus rude bataille qui s'engage est celle de l'opinion nationale qui, traumatisée par des années de terrorisme, se voit replongée dans un contexte marqué par la nécessité de la remobilisation à l'échelle mondiale. Le président George W.Bush, lors de son discours au Congrès, a explicitement tracé la ligne de démarcation qui sépare «les alliés» des «ennemis» où chaque pays a été pratiquement sommé de choisir son camp à l'avenir avant le déclenchement des frappes contre l'Afghanistan et les bases logistiques d'Oussama Ben Laden. Même si le climat est à la prudence, Alger a émis plusieurs signes favorables à la participation à cette coalition antiterroriste internationale en exprimant quelques réserves. D'abord, sur le cadre légal de ces frappes américaines qui risquent de réveiller indirectement la rue arabe, marquée par l'exemple irakien. Le gouvernement algérien, qui préfère cultiver la discrétion quant à la formule de sa participation à cette coalition, n'en demeure pas moins attentif à ce qu'en dira l'homme de la rue algérienne. Sur ce plan, les diverses analyses soulignent que les Algériens feront preuve, dans une large partie, d'une adhésion à la position du gouvernement. Réaction motivée, en premier lieu, par le sentiment d'une population qui fut cruellement et profondément marquée par la violence terroriste qui ne diffère nullement de celle exercée contre des civils innocents aux Etats-Unis. Ensuite, le gouvernement algérien doit prendre en considération son appartenance à une sphère arabo-musulmane qui tente actuellement de s'organiser. Dans une large perspective, les différents Etats arabes adhèrent à une idée de riposte si celle-ci est dénuée de toute considération idéologique. Eviter de creuser un fossé politique et religieux entre ce que Washington nomme «Etats arabes modérés» et l'alliance américano-européenne qui semble vouloir pratiquer une politique de représailles contre les Etats islamiques radicaux. Les Etats arabes essaient de se positionner subtilement dans ce «No man's land», dicté par les Etats-Unis, tout en conservant une marge de manoeuvre vis-à-vis de leurs opinions respectives d'où émergent des cercles islamistes locaux qui avertissent sur les risques d'une nouvelle croisade. Une énième guerre des religions. La participation d'Israël à cette coalition internationale met dans la gêne ces pays arabes qui ne veulent pas tisser d'alliances compromettantes avec un Etat qui réprime les Palestiniens et qui est, pour eux, le principal frein à l'émergence d'un processus de paix israélo-arabe dans le Proche-Orient. Enfin, le gouvernement algérien table sur la «spécificité» de l'exemple algérien en matière de lutte contre le terrorisme. De tous les pays arabes, l'Algérie a été celui qui a supporté le plus la pression de l'internationale terroriste sans avoir eu besoin de l'aide matérielle, logistique et morale des Etats européens de l'Union, jugés trop laxistes, ou arabes, considérés comme indifférents au drame algérien. L'échange du renseignement et un appui concret sur le terrain de la coopération sécuritaire sont les deux axes sur lesquels peuvent déjà travailler Algériens et Américains. Si ce n'est pas déjà en cours. Tout en alertant sur le caractère transnational de la menace, Alger entend faire étalage de son expertise en matière de lutte antiterroriste acquise sur le terrain des opérations face à des groupes islamistes qui se sont formés pour la plupart en Afghanistan. Une expérience qui s'avérera irremplaçable et précieuse au sein de cette coalition internationale. C'est là que réside le devoir d'inventaire.