La guerre, activité ludique? Il fallait y penser. C'est ce qu'ont fait les networks américains. Revêtues du treillis de la guerre, les chaînes américaines, - à l'image de Fox-News, CNN, ABC, CBS -, se sont lancées à corps perdu dans la justification de ce qui s'apparente de plus en plus à un crime contre l'humanité, faisant, au passage, dans le racolage à grande échelle et la recherche de l'audimat. Le conflit offrait, ainsi, à ces chaînes l'opportunité d'étrenner de nouvelles normes en matière d'information, celles de l'image d'une guerre transformée en spectacle grandeur nature. Exactement la télé-réalité qui fait fureur, ces dernières années, sur le petit écran, singulièrement américain. La seule différence est que la souffrance du peuple irakien et le versement de son sang sont vrais. Outre tenir le téléspectateur suspendu à son poste de télé, les chaînes américaines ont également une mission psychologique de grande importance qui, selon ses concepteurs, devait démoraliser les combattants irakiens et effriter la résistance du peuple irakien. Images, à l'évidence truquées, à l'appui les chaînes câblées américaines avaient, quelques heures après le début des hostilités, annoncé la chute de la ville d'Oum Qasr, port stratégique à l'embouchure du Chatt Al-Arab. Quatre jours après (hier) on se battait toujours autour de la ville et les soldats irakiens offraient une résistance insoupçonnée. L'important, pour ces chaînes, était, en fait, de faire accroire que la reddition de l'Irak était chose entendue, au plus une question de jours, mettant en branle une désinformation effrénée. Le monde est noyé sous un déluge d'images, sans doute spectaculaires par le fait même de faire vivre en direct les combats, mais ne lui laissant aucune possibilité de réfléchir par lui-même sur les tenants et aboutissants d'une guerre, dont le désarmement de l'Irak n'est, en fait, que l'iceberg propice à camoufler les vrais desseins des stratèges américains. Totalement inféodées aux faiseurs de guerre de l'administration Bush, ces chaînes poussent leur servilité très loin à l'instar de Fox-News du milliardaire australo-américain, Robert Murdoch, ne perdent pas de vue pour autant, l'aspect mercantile de l'affaire. Ainsi, tout en se plaçant dans un patriotisme outrancier, démesuré et surdimensionné, les chaînes ont aussi prévu d'offrir aux soldats restés à l'arrière du front de se distraire, et de jouer, par l'intermédiaire du Webb, aux stratèges militaires. C'est ainsi que ABC-News com propose, pour la modique somme de 10 dollars, aux soldats, ne participant pas aux affrontements, de jouer aux chefs d'état-major disposant d'un «centre de commandement virtuel équipé de quatre caméras» donnant la possibilité de suivre simultanément «en permanence les bombardements sur Bagdad», avec des alternances sur les «manifestations contre la guerre», ou la retransmission «des conférences du Pentagone ou de la Maison-Blanche». Grâce à ce nouveau jeu, le soldat désoeuvré est tenu, comme un général dirigeant les opérations, minute par minute, au courant du développement des événements. Les chaînes câblées sont de la sorte concurrencées dans leur propre jardin par Internet qui, par le biais du courrier électronique et du Webb, s'est immiscé dans la bataille d'Irak donnant à voir des séquences de combats sur le terrain, offrant aux internautes une sélection de dépêches d'agences et d'images en provenance directe du front. Chaque chaîne dispose d'un site totalement consacré aux faits de la guerre, ainsi, le site de CNN offre à ses clients la possibilité d'une «liaison vidéo permanente» avec la capitale irakienne et disposant «d'un tableau de bord» de la guerre leur permettant, indique-t-on, «de faire le point des combats et des pertes, ave ableau actualisé quotidiennement des redditions de troupes irakiennes». Vue de loin, la guerre devient «chic», une manière cool de passer son temps, surtout lorsqu'on vous affirme qu'elle sera une promenade de santé pour les ‘'boys''. Des fournisseurs Internet, comme Yahoo et AOL, s'y sont également mis, ouvrant largement leurs sites au développement de l'actualité de la guerre en Irak. MSNBC, se voulant plus didactique, héberge sur son site une sorte «de foire aux armements» donnant à voir les principales armes mises à contribution en Irak, outre le fait de reproduire dans sa «bibliothèque interactive» les déclarations d'hommes politiques sur la crise irakienne. Ne perdant pas le Nord, ni le sens des affaires, le géant du logiciel Microsoft, avec son site MSN, va carrément dans la surenchère tirant profit du fait que la guerre aujourd'hui est surtout une affaire de technologie comme le dernier gadget que sont les bombes «à charge intelligente», capables d'atteindre leurs cibles, sans dévier d'un iota quelles que soient les conditions atmosphériques ou météorologiques. Mais tout cela n'est-il point aux normes américaines, lorsque l'on s'efforce de nous montrer des Américains, à l'image du cinéma hollywoodien, alliant efficacité dans le combat, sachant s'amuser, tout en restant en éveil aux retombées financières de l'événement? Les Américains, comme chacun sait, sont de grands enfants, dotés d'un grand coeur, et c'est cet «humanisme» qui les porte aujourd'hui à transformer l'Irak en un immense champ de ruine. Avec charge pour les chaînes câblées américaines, outre justifier ces attaques contre l'Irak, qui confinent aux crimes de guerre commis dans l'illégalité internationale totale, à banaliser la violence «officielle» d'une hyperpuissance qui s'est érigée en gendarme du monde.