Affolés, les Américains n'hésitent plus à déraper vers une véritable «sale guerre». Quatorze personnes ont été tuées et 30 autres blessées hier, dans un raid aérien sur un marché de Bagdad, touché par au moins deux missiles en fin de matinée, ont indiqué des sources irakiennes. L'attaque aux missiles a visé vers 11h30 (8h30 GMT) «la Cité du peuple» dans le nord de Bagdad, a précisé le directeur de la défense civile de ce quartier, Hamad Abdallah Al-Doulaimi. Par ailleurs, plus de deux cents maisons ont été détruites par des bombardements américano-britanniques sur la ville de Nassiriyah dans le centre de l'Irak qui ont fait plus de 500 blessés parmi la population civile, toujours selon des sources irakiennes. Depuis le début de la guerre en Irak, une centaine de civils ont été tués et un millier d'autres blessés par les bombardements aériens, d'après les sources irakiennes. Des actions remettent totalement en cause l'esprit même de l'opération des Américano-Britanniques qui a été lancée, rappelons-le, sous le nom de code «Liberté de l'Irak». Les coalisés semblent adopter une autre stratégie que celle appliquée jusque-là. Les revers ont été durement ressentis par la rue américaine et britannique et violemment critiqués par les médias anglo-américains. «Laissez nos soldats faire leur travail», a titré un journal britannique, critiquant les consignes données aux soldats de préserver les civils. A elles seules, des pertes britanniques s'élèvent à 20 depuis le début de la guerre en Irak, en plus de deux autres soldats portés disparus, hier. Aussi, envisagent-ils de passer outre au souci de préserver des vies humaines et s'engager pleinement dans une sale guerre. Pour les civils, ils seront considérés comme dégâts collatéraux. Il est clair que Saddam a remporté la victoire psychologique, notamment par les échos médiatiques produits par la télévision irakienne. Cette dernière a été bombardée, hier, et a suspendu ses émissions pendant quarante-cinq minutes. Alors que la bataille gagne en intensité, le leader irakien reste imprenable. Il a ordonné de «trancher le cou de l'ennemi». Les constructeurs yougoslaves de certains des abris dans Bagdad, affirment qu'ils étaient conçus pour résister à un siège de six mois et à une bombe atomique. Les revers subis par les troupes américaines et britanniques ont revigoré les Irakiens et raffermi leur résistance dans le Sud, à l'étonnement des coalisés qui s'attendaient à un accueil favorable. Chaque jour de plus que durera la guerre, l'image «héroïque» de Saddam ne fera que se renforcer dans l'esprit des Irakiens et de la rue arabe frustrée. L'utilisation des armes chimiques évoquée par Washington n'a pas eu lieu. Les armes «meurtrières» du président irakien se sont limitées jusqu'ici aux chefs de tribus, kamikazes et miliciens, femmes et...tempêtes de sable, un autre allié de Saddam. L'appel de ce dernier aux tribus vaillantes de combattre l'ennemi a été suivi par une série de coups portés à la machine de guerre américaine. Cependant, la redoutable progression des colonnes blindées, le terrible pilonnage des forces irakiennes et la supériorité technologique de la machine de guerre de la coalition qui peut attaquer à volonté des cibles spécifiques, augurent mal de l'avenir du dirigeant irakien. Après avoir envisagé de contourner Bassora, la coalition américano-britannique n'exclut plus désormais de la prendre d'assaut. Les forces américaines ont resserré, hier, l'étau sur Bagdad, affirmant avoir tué quelque 650 combattants irakiens à Nadjaf, à 150 km au sud de la capitale. La progression de l'armée des alliés vers Bagdad était toujours freinée par les opérations de guérilla des Irakiens et par une violente tempête de sable qui a forcé certaines unités à s'arrêter complètement. Tandis que la situation restait confuse à Bassora (sud), la deuxième ville du pays, la capitale a subi de nouveaux bombardements d'une rare violence durant toute la journée d'hier. Le doute commence à s'installer dans le camp allié quant à ce que sera la bataille de Bagdad.