La miniature algérienne a entamé sa régénération comme en témoigne la récente exposition à la galerie Sonatrach. Si dans le passé, l'Algérie n'a pas eu de grandes traditions dans la miniature et l'illustration des manuscrits à l'instar des grandes cités musulmanes de l'Orient comme la Perse, l'Irak, la Syrie, l'Egypte et l'Inde, depuis le début du siècle passé, grâce aux frères Racim - surtout Mohamed Racim - et leur maîtrise des techniques traditionnelles de la miniature musulmane et l'intégration des techniques modernes de la représentation figurative, l'illustration a fait un remarquable chemin. Certes, les arts appliqués comparés à la communication visuelle graphique moderne, le design, la peinture...ne sont pas aussi fortement recherchés par la génération montante, il faut dire que cette voie artistique refoulée continue, bon gré mal gré, grâce à une pléiade de talents à préserver sa puissance, sa résonance dans la mémoire collective de fasciner, de battre dans le coeur et de survivre... Ce fait très révélateur ne rend pas compte seulement de l'attraction esthétique et spirituelle que possèdent les oeuvres en miniature mais aussi de l'approche artistique la plus proche de la culture des Algériens. Ainsi, s'inscrivant dans la marche de mécénat culturel entamée depuis 2 ans, et se voulant un espace d'expression ouvert aux artistes pour exprimer leur sensibilité, la galerie d'art de Sonatrach a abrité au début du mois de mars une exposition collective d'arts appliqués organisée à l'occasion de la célébration du 24 février 1971 et la nationalisation des hydrocarbures. Aux côtés de grands maîtres précurseurs des arts appliqués en Algérie dont Mohamed Bendebbagh, Abdelhamid Skander, cette manifestation a réuni une pléiade de jeunes talents de l'Ecole Supérieure des Beaux-Arts, de l'association La société des Beaux-Arts. A travers les oeuvres de Skander, nous découvrons une calligraphie contemporaine qui ne trahit pas la tradition. Diverses techniques ont été utilisées pour réaliser une écriture pleine d'élégance et d'opposition de tons sur un fond inondé de couleurs teintées rappelant parfois un fond de mer bleu clair. Nous apprenons que la calligraphie n'est pas uniquement un art du tracé savant, un jeu de contrastes entre le plein et le délié, entre la puissance de la forme de chaque élément et les tons des couleurs, mais une dimension artistique qui dépasse de loin la simple et belle écriture. Sa création bleue est plus qu'une simple et belle écriture, un moyen d'expression voire un message. Le maître exprime sa sensibilité au plus profond de son être tout en restant attentif aux mouvements de son temps. A quelques pas de Skander, Belaribi, un jeune amoureux de la miniature, nous fait partager sa passion pour cet art. Il expose des travaux réalisés avec beaucoup de finesse, de doigté et de précision. La nature de ses sujets a joué infiniment sur le choix des formes géométriques et florales. La richesse de l'ornementation est demeurée très équilibrée lui permettant une grande liberté dans l'exécution avec maîtrise des textes destinés à la calligraphie. Le renouveau de la miniature a réussi à susciter l'intérêt fécond de jeunes talents qui tout en s'exerçant dans les ateliers des associations se sentent une âme d'artiste naissant. C'est le cas d'un grand nombre d'exposants comme Hadj Ali, Bougrina, Meziani et Maïdat... Dans ce même espace de la Sonatrach, un autre maître de la calligraphie à la recherche d'une esthétique nouvelle, en l'occurrence Boumala, nous invite à découvrir les oeuvres qui illustrent avec virtuosité la grande beauté de la lettre arabe et sa capacité d'épouser de nouvelles formes. Dans une explosion de formes géométriques et de couleurs vives, un autre jeune, Bettioui Kamel, de formation académique, tient à garder bien vivante la tradition de l'enluminure. En somme, la diversité des sujets consacrés aux portraits, aux paysages, aux scènes religieuses ou scènes de vie quotidienne démontre que la miniature dans ses dimensions restreintes peut sortir du cadre traditionnel. Et si la miniature a ses propres normes d'autonomie auxquelles elle obéit par rapport à la peinture à l'huile de grandes dimensions, elle ne peut être tenue indéfiniment aujourd'hui pour seulement un art mineur. L'engouement des jeunes talents mérite de retenir l'attention du large public et des institutions chargées de son évolution. D'autre part, le grand nombre de noms et d'oeuvres exposée au siège de la Sonatrach et ailleurs atteste l'intérêt de son étude pour l'histoire de l'art en Algérie et l'histoire de l'évolution du goût et des habitudes des Algériens.