Sa tournée inattendue en ville apparaît pour d'aucuns comme un défi aux forces américaines. Défiant les frappes de la coalition, le président Saddam Hussein est allé, vendredi, à la rencontre de la population en plein centre de Bagdad. En prenant un bain de foule dans un quartier résidentiel de Bagdad, à portée de canon de l'armée américaine, selon des images montrées par la télévision officielle, le président irakien a voulu démentir les informations le donnant pour mort ou blessé. Les images, tournées de jour, ont montré Saddam Hussein, en tenue vert olive, coiffé d'un béret noir, acclamé par une foule nombreuse. Pourtant, les apparitions publiques de Saddam Hussein sont extrêmement rares depuis la guerre du Golfe en 1991. Cette tournée inattendue en ville apparaît, dès lors, comme un défi aux forces américaines qui sont arrivées aux portes de Bagdad et avaient affirmé vendredi avoir pris le contrôle de son aéroport international. Une information démentie hier qualifiée de «diversion» par le ministre irakien de l'Information, Mohamed Saïd El-Sahhaf. Peu auparavant, un responsable américain avait indiqué que le discours de Saddam Hussein diffusé vendredi par la télévision montrait que le président irakien avait survécu aux premiers bombardements du 20 mars. Dans son édition de jeudi, le quotidien américain, New York Times, a justifié cette spéculation par la guerre psychologique que les Etats-Unis menaient contre le régime de Saddam Hussein délibérément destinée à «semer le doute» dans les rangs de l'armée irakienne qui sera amenée à se poser des questions, à savoir «combattre pour un chef qui pourrait être mort ou frappé d'incapacité». Apparemment, et avec cette sortie impromptue, les Américains sont dans l'obligation de revoir leur propagande et leur stratégie. En outre, l'argument majeur ayant conduit à l'invasion de l'Irak vient de tomber à l'eau selon les dires mêmes du secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, qui déclarait qu'ils n'avaient toujours pas trouvé d'armes de destruction massive, l'une des justifications de cette invasion, tout en affirmant que certains indices laissent croire que l'Irak possède bel et bien ces armes et pourrait bien les utiliser. Un argument comme un autre pour tenter d'expliquer une guerre dont les principales motivations sont ailleurs. Cela est un démenti formel aux accusations de Bush qui avait fait des déclarations, en septembre dernier, devant l'Assemblée générale des Nations unies, affirmant que, selon les informations qu'il possédait, l'Irak serait capable de développer l'arme nucléaire en pas plus de six mois. Or, au terme des trois mois d'inspection, Al-Baradeï est arrivé à la conclusion suivante: «La documentation présentée par Powell était fausse.» Mais c'est la possession éventuelle par l'Irak d'armes chimiques et biologiques qui éveille le plus grand nombre de doutes et de soupçons. Lors de la première guerre du Golfe, entre l'Iran et l'Irak, il était connu que ce dernier aurait été en possession de 19.000 bombes chimiques. Mais depuis, il en aurait utilisé 13.000 lors de la guerre contre l'Iran ainsi que contre les Kurdes. Dès lors, le sort des 6000 autres bombes reste inconnu. Aussi, les avis sur cette question divergent-ils. «Au cas où l'Irak utiliserait les armes chimiques et biologiques, il perdrait le soutien de l'opinion publique mondiale qu'il a réussi à conquérir», indiquait le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin dans une de ses déclarations. Dans cette guerre psychologique que se mènent Saddam Hussein et George W.Bush, le maître de Bagdad se montre nettement plus coriace que ne se l'imaginaient les analystes et les stratèges américains.