L'offre de dialogue initiée par le Président de la République commence à porter ses fruits. Hier, à Naciria, où un important dispositif sécuritaire a été déployé, la marche du 5 octobre, placée sous haute surveillance, n'a pas drainé les grandes foules. Ils étaient, en effet, moins de cinq cents, au plus, à organiser un sit-in à 50 mètres du premier bouclier de sécurité, à scander des mots d'ordre hostiles au pouvoir et au dialogue, pour enfin, rentrer à Tizi Ouzou, vers 12h. Entre les marches du 14 juin, du 5 juillet puis, enfin, du 5 octobre, beaucoup de choses se sont passées. La masse monolithique et homogène de la première marche a fini par éclater en mille morceaux. L'intransigeance des maximalistes, les tentatives de noyautage et le dévoiement du mouvement ont fini par mener les ârchs à une sorte d'impasse qui radicalise leurs thèses chaque jour un peu plus. Aussi, l'offre de dialogue de Bouteflika est-elle venue mettre un terme à une déperdition politique qui risquait de faire éclater la Kabylie. Cette offre a été saisie par les prodialoguistes au vol, car d'un côté, elle permettait de faire obstruction aux thèses maximalistes, séparatistes et autonomistes, et, de l'autre, elle offrait l'accomplissement des revendications légitimes et réalisables de toute la Kabylie. Outre la constitutionnalisation de tamazight en tant que langue nationale, lors du prochain amendement de la Constitution, ce qui constituait la revendication clé de la région kabyle, les ârchs ont eu «bonne écoute et bonne réponse» sur des points aussi sensibles que le statut des victimes et leur indemnisation, la poursuite judiciaire des responsables de crimes, l'étude au cas par cas des structures de sécurité ainsi que des autres points de la plate-forme d'El-Kseur. Le Chef du gouvernement a, enfin, promis de préparer une rencontre présidence-ârch dans les jours qui viennent. Cette perche tendue à l'aile dialoguiste du mouvement citoyen des ârchs semble avoir été saisie à bon escient. Preuve en est qu'une délégation a été reçue au Palais du gouvernement par Ali Benflis et que les voies privilégiées lors de cette rencontre controversée, vont dans le sens d'un règlement pacifique de la crise kabyle. Bien que cette rencontre ait été contestée par les maximalistes, qui ont dénié à toute autre représentation, que la leur propre, d'intervenir en interlocuteur crédible face au pouvoir, il semble d'ores et déjà certain que les prodialoguistes se posent, désormais, en pole position. La réponse du Chef de l'Etat, puis celle du chef du gouvernement aux ârchs, est presque une victoire acquise «à l'arraché». Après un long combat de près de six mois de contestation vécue au quotidien. Aujourd'hui, il est impératif de placer, désormais, le mouvement citoyen dans un cadre de dialogue afin de faire échec aux éléments maximalistes qui l'ont contrôlé jusqu'à une date récente. Tout comme il est impérieux d'affirmer que ce mouvement a été un moyen, utilisé par beaucoup de forces contraires, pour se placer au-devant d'un choix politique en usant de méthodes radicales. Cinq mois d'émeutes et de casse, la destruction de dizaines de communes dans chacune des trois wilayas les plus concernées par la crise et la force qui y fut déployée, renseignent sur les dispositions de certains, et qui ne furent ni pacifiques ni légitimes. La destruction de la vitrine de l'équipe de football, la JSK, a été un dernier élément qui a mis à nu les intentions de ces maximalistes, dont le but premier recherché était le positionnement radical et extrémiste dans une sorte de no man's land à l'écart de la République. Que les prodialoguistes puissent aujourd'hui prendre les choses en main. Et tant pis pour ceux qui comptaient entraîner, hier, la Kabylie entière dans une impasse d'où il lui serait difficile de sortir.