En Algérie, tout procède par la violence et tout y revient. Les services de sécurité étaient, hier, sur le qui-vive, c'est-à-dire en état d'alerte. Grève en Kabylie, marche à Alger et mouvement de protestation des étudiants ont été autant de motifs qui ont mobilisé les forces de sécurité, et ont, tout autant, motivé le placement d'un dispositif sécuritaire et des points de contrôle routier rigoureux. Aussi bien au niveau des instituts et universités d'Alger (Fac centrale, Bouzaréah, Ben Aknoun, etc.) que sur les axes routiers Est (Boudouaou, Thénia, Naciria) la présence discrète d'unités de gendarmerie et de policiers (Bmpj), le dispositif sécuritaire était encore là pour parer à toute éventualité fâcheuse. Le qui-vive des services de sécurité était d'autant plus justifié que, la veille, à Tizi Ouzou, la «casse» avait été à ce point «détonante» pour justifier le «positionnement» des dispositifs sécuritaires d'Alger et de Boumerdès. Finalement, la matinée d'hier s'est déroulée de façon tout à fait ordinaire. Elle n'a pas drainé la grande foule. Les unités d'intervention ont «chômé» aux points de contrôle de Naciria, Thénia et Boudouaou et les policiers n'ont pas eu fort à faire à Alger pour disperser les petits groupes, et aux abords des centres universitaires, où des étudiants, regroupés autour de l'Ugel, n'ont pas connu les débordements précédents. Mais il semble que ce n'est que partie remise. Et c'est justement là que réside le problème de l'expression politique en Algérie. Rien, pratiquement rien, ne se fait sans recourir à l'émeute et à la violence. Tous les mouvements - revendicatif, identitaire, religieux - qui ont véhiculé une conception de la société ou porté avec eux un projet de société, ont tous, sans exception, eu recours à la violence. Ainsi, petit à petit, la protestation politique ou sociale prend en Algérie les contours de l'émeute, et celle-ci ressemble de plus en plus à un mouvement d'insurrection et de sédition, où le maître-mot est la violence. Celle-ci aussi, destructrice et jusqu'au-boutiste, peut porter divers habillages et changer de look selon les influences du contexte, mais le fond reste le même et la culture de la violence glisse insidieusement dans le quotidien de l'Algérie comme sur une pente savonneuse. En Kabylie où les services de sécurité ont été, dans une très large mesure, neutralisés (brigades de gendarmerie «délocalisées» et policiers «astreints» à la surveillance et à la protection des édifices publics et personnalités), la violence augmente de jour en jour. Les deux hold-up, opérés dans deux banques à Tizi Ouzou, en plein ramadan et en plein jour, renseignent sur le niveau atteint en matière de criminalité, d'autant plus accentué, dans cette région sensible du pays, par la présence de la plus importante organisation terroriste, le Gspc, qui a su y développer une inquiétante «stratégie de symbiose». Face à cette déferlante de la violence qui agit tous azimuts, les autorités déploient une «ouverture» sur les droits de l'Homme, qui restent encore au niveau de schématisation, alors que sur le terrain les violations des droits de l'Homme restent à ce point criantes pour ameuter les ONG les plus hostiles à l'Algérie. Entre les deux «belligérants», la classe politique et les médias se placent, selon les goûts et les intérêts, avec ceux-ci ou contre ceux-là. S'ils ne sont pas encore assez obséquieux pour émailler d'une couche de légitimité intellectuelle, les violations des autorités et les dysfonctionnements de la justice, ils sont, parfois, assez intrépides pour justifier la violence et la destruction des «insurrectionnels». Réalité d'autant plus effrayante qu'elle met tout le monde soit à gauche soit à droite, sans pour autant laisser les voies assez claires pour donner naissance à une troisième alternative. D'où tous les risques de dérive à venir et qu'on devine...