Observateurs, simples citoyens et politiques ont, sans doute, été étonnés de voir l'un des hommes les plus riches d'Algérie raconter comment il a bâti sa fortune... Sans s'en rendre compte, peut-être, l'homme d'affaires Issaâd Rebrab a révélé tous les manquements, pour ne pas dire délits, commis par lui afin de devenir le puissant homme d'affaires qu'il est actuellement. Cela «s'est passé» dans les colonnes du quotidien El-Khabar dans le cadre de sa rubrique «Petit Déjeuner». Cet homme, ancien comptable, parti de rien, raconte sans tabous ni faux-fuyants de quelle manière il a pu se hisser au sommet d'un véritable empire économique cristallisé autour de «25 entreprises» de première importance dans le pays alors que «15 autres sont en préparation», selon lui. Issaâd Rebrab, qui admet implicitement que «le grand démarrage» a été rendu possible grâce au commerce du rond à béton, n'hésite pas à révéler avoir «changé des devises sur le marché parallèle» en 91 afin de pouvoir poursuivre son commerce. Cela se passait, est-il besoin de le rappeler, au moment où notre pays traversait une crise financière critique et était confronté à un véritable goulot d'étranglement. Rebrab, ce disant, a beau souligner, en bon capitaine des finances selon l'image qu'il tente de refléter, n'avoir pas de gêne à faire cet aveu, ce dernier n'en demeure pas moins d'une gravité extrême. Nul n'étant censé ignorer la loi, et surtout pas un homme de sa trempe, il aurait dû savoir que les codes pénal et de commerce prévoient des sanctions très lourdes par rapport à ce genre de commerces illicites représentant de véritables «crimes économiques». Etant lui-même passé aux aveux, ce qui constitue aux yeux de la justice la plus parfaite des preuves, Issaâd Rebrab sera passible de poursuites judiciaires si le parquet s'autosaisit de cette affaire comme le lui confère la loi. Rebrab reste discret sur le nombre de lignes de crédit obtenues par lui, mais aussi sur leur remboursement ou pas. Il ne dit pas non plus que durant l'été de cette même année, selon de nombreux témoignages concordants, sous le règne de Sid-Ahmed Ghozali, il a obtenu la bagatelle de 260 millions de dollars pour importer du rond à béton alors que le pays traversait une crise financière aiguë et n'avait même pas de quoi financer l'achat des médicaments et de la nourriture nécessaires aux populations. Un pareil accord, dit-on, d'ordre politico-économique, cherchait à s'assurer l'alliance d'un certain parti politique contre le FFS en Kabylie à la veille des législatives de décembre 91 et janvier 92.