Le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, est parti en pompier à Labiodh Sidi Cheikh après les violentes émeutes qui ont secoué cette ville. Encore une fois, les pouvoirs publics se retrouvent face à une contestation populaire qui plonge ses racines très profondément dans la mauvaise gestion. Comme à Khenchela, Béjaïa ou Tizi Ouzou, l'Etat, à travers son ministre de l'Intérieur, se déplace en catastrophe dans un point reculé de l'Algérie profonde pour tenter de rétablir le calme au sein de la population qui n'en peut plus de subir les affres de la hogra et de la déliquescence des municipalités. Cette fois-ci, c'est de la wilaya d'El-Bayadh, réputée d'un calme intégral et épargnée par le terrorisme, qu'est parti ce feu subit qui a mis la région en état de choc. La population de Labiodh Sidi Cheikh, réputée pour la zaouia qui porte le même nom et pour son passé de résistance historique à la colonisation, surtout durant le XIXe siècle, s'est soulevée pour des considérations sociales, mais également contre l'injustice. Pourtant, c'est depuis le début septembre que des marches succèdent aux manifestations publiques de protestation contre la gestion de la commune et pour revendiquer le départ du chef de daïra et la dissolution de l'Assemblée communale. Ces prémices d'une révolte violente n'ont pourtant pas été prises au sérieux. Presque comme à chaque fois, la population n'arrive à faire entendre sa voix que dans le saccage, la destruction et la violence qui s'abattent sur des infrastructures qui servent ces mêmes citoyens. Le cycle infernal de ces émeutes commence, toutefois, à devenir classique. Injustice-contestation-indifférence-violence constituent la quadrature du cercle qui fait bouger des populations qui n'ont plus de recours administratif, pas de palliatif politique et pas de relais médiatiques pour exister au sein de la communauté nationale. Le face-à-face confidentiel qui oppose population aux élus locaux est devenu un standard du rapport administration-administrés où la rupture de confiance est totale. A ce stade de la contestation, il serait quasiment superflu de revenir aux origines des troubles tellement le scénario des émeutes paraît comme écrit d'avance. La population proteste pour manque d'eau, pour des logements sociaux mal attribués, pour des routes non goudronnées, pour l'éclairage public, pour manque de perspectives d'embauche, enfin, les causes sont multiples, presque toujours identiques et dont les remèdes se font attendre. Le phénomène de la contestation populaire a quelque chose d'ironique en ces temps où l'Etat dispose de l'une des plus grosses cagnottes de son histoire. La distribution de cette manne financière se fait encore attendre et prendra, pour les citoyens qui tutoient la misère, bien trop de temps pour patienter et vérifier, de visu, que le développement local est réellement un des leitmotive du Président Bouteflika et de son Exécutif. Mais cette forme de contestation doit faire réfléchir les responsables sur l'impératif de changements humains et structuraux du fonctionnement des élus et des administrations locales. Une seule solution semble inévitable dans ce contexte où les bombes lacrymogènes ont remplacé les subventions. Elle a pour nom les élections municipales. La gestion des communes, comme elle a été exercée depuis 1997, a généré trop de frustration, de gabegie, d'injustices et de passe-droits pour que la population ne cherche pas son salut dans la révolte. Le gouvernement est non seulement interpellé sur la nécessité d'aller rapidement et proprement vers des élections locales, ce qui sera fait en 2002, mais aussi de sanctionner sévèrement tous ces élus qui, dans une course éperdue et se sachant en fin de mandat, risquent de multiplier les erreurs de gestion aux répercussions catastrophiques. Et tant que ce ne sera pas fait, Zerhouni risque de se déplacer encore souvent une lance à incendie dans la main.