Sa reconduction ne trouve pas sa justification. L'une des plus grosses surprises du nouveau gouvernement Benflis est, sans conteste, le maintien de Yazid Zerhouni à l'Intérieur. L'homme, dont les compétences semblent apparemment être appréciées en haut lieu, n'en est pas moins l'un des plus impopulaires du gouvernement sortant. Il est évident que la reconduction de Zerhouni risque d'être mal interprétée par les animateurs du mouvement citoyen d'un côté, et instrumentalisée par les partisans du maintien de l'état de tension en Kabylie, de l'autre. Le chef de l'Exécutif, dont la mission première est de trouver une solution à la crise qui sévit dans cette région du pays, part quelque peu handicapé par la présence dans son équipe d'un ministre, rendu, à tort ou à raison, en partie responsable de la détérioration du climat social à Tizi Ouzou et Béjaïa. En effet, la personne du ministre de l'Intérieur, qui a été le premier responsable de la République à s'exprimer sur l'origine des émeutes, constitue, de l'avis de nombreux observateurs, un frein à l'ouverture du dialogue entre le pouvoir et les ârchs. Ces derniers ont, rappelons-le, exigé à plusieurs reprises sa démission. Certains observateurs n'hésitent pas à interpréter cet état de fait comme une erreur tactique de la part du pouvoir, susceptible de lui coûter cher vis-à-vis de l'opinion publique. Cette dernière peut ne pas voir les innovations apportées dans la composante de l'équipe gouvernementale, en faisant un abcès de fixation sur le seul ministre de l'Intérieur. En d'autres termes, l'Exécutif perd d'entrée le bénéfice du doute aux yeux des Algériens qui commencent déjà à se poser des questions sur le pourquoi de cette décision de maintien alors que le poste en lui-même peut revenir à d'autres cadres de l'Etat très compétents. Le sentiment d'un pouvoir qui tourne le dos à son peuple risque de se généraliser au sein de la société. Peu d'Algériens ont oublié les sorties ratées du ministre de l'Intérieur sur la question de la crise en Kabylie, d'autant que la parabole aidant, les citoyens connaissent les usages des pays démocratiques, dans des situations pareilles à celle vécue par l'Algérie depuis avril 2001. En tout état de cause, la reconduction de Zerhouni ne trouve pas sa justification sur le plan politique et encore moins médiatique. L'homme personnalise l'échec tant politique que médiatique du pouvoir dans la gestion d'une contestation populaire, de loin, la plus problématique de l'histoire de l'Algérie indépendante. Aussi, le Chef du gouvernement devra-t-il faire preuve d'une tonne d'imagination pour convaincre les Algériens de sa volonté de sortir la Kabylie de l'impasse par la voie du dialogue. La partie est loin d'être gagnée.