S´il y a bien un secteur où l´Etat ne peut se prétendre d´un quelconque mérite dans son développement ou son dynamisme, c´est bien le théâtre. Contrairement aux autres secteurs qui ont bénéficié de l´attention et des soins du pouvoir et dans certains cas, d´un acharnement thérapeutique, le théâtre algérien, dont le succès est incontestable auprès des spectateurs, doit sa réussite surtout à la personnalité des pionniers qui, depuis les temps obscurs de la colonisation, ont créé une tradition théâtrale dans une société où les moyens d´expression sont très limités et où l´analphabétisme était endémique. Tout le mérite revient à ces aventuriers des planches qu´étaient Allalou, Bachtarzi ou aux saltimbanques pittoresques qu´étaient Rachid Ksentini, Sid-Ali, ou tout simplement à des dramaturges de talent comme Alloula ou Benguettaf. Mais derrière ces noms célèbres, il y a toute une cohorte de noms inconnus qui interviennent quotidiennement dans l´activité de la production théâtrale. Décorateurs, accessoiristes, éclairagistes, une foule de métiers qui relèvent plutôt de l´artisanat. A côté des grandes vedettes de la scène, il y a des personnages qui ont contribué par leur talent, leur physique et surtout leur amour constant de leur profession, malgré les heurts et les malheurs qui n´ont cessé de jalonner le secteur de la culture. Contrairement au cinéma, au théâtre, l´argent ne coule pas à flots et les interprètes du théâtre, pas plus que les autres intervenants, n´ont jamais défrayé la chronique par leur train de vie. Certains mêmes ont dû être repêchés de la rue par un ministre attentif comme l´était le regretté Aboubakr Belkaïd. Mais c´est surtout à l´occasion du décès de l´artiste que l´attention du public est sollicitée pour porter un témoignage à son talent et surtout un témoignage à l´attention que les responsables politiques et administratifs ont consacrée à ce cher disparu. Il faut reconnaître que depuis sa maladie, Yahia Ben Mabrouk a attiré sur sa personne l´attention des dirigeants désolés de voir «l´Apprenti» dans un tel état. Sans avoir à faire un flash-back sur son étonnante carrière au théâtre, il faut reconnaître que c´est son rôle auprès de l´Inspecteur Tahar qui l´a rendu célèbre. Le génie de l´inspecteur est d´avoir choisi un comédien de talent au physique pittoresque comme faire-valoir dans une série de films dont le succès n´a jamais été démenti. Rappelons toutefois, que pour joindre les deux bouts, Yahia Ben Mabrouk était obligé de vendre des légumes et fruits au marché de la rue de la Lyre. C´est dire qu´il en a vu des vertes et des pas mûres! Rappelons aussi qu´après le départ de Hadj Abderrahmane, il a simplement murmuré: «Il me laisse comme un couffin sans anses!».