Dans les conditions où la cohésion sociale est pratiquement ruinée par les inégalités sociales et où il a été démontré que la cohésion nationale avait atteint le seuil d´une rupture consommée, tout projet de pacte social et de recouvrement de la paix tout court nécessite plus que l´énoncé de bonnes intentions. Il y a une fracture sociale car les différences sont trop grandes et n´apparaissent pas comme étant le résultat des inégalités d´efforts. La cohésion nationale est mise à mal car les différences se menacent mutuellement au lieu de se surmonter. Elle est également mise à mal car à la question de savoir de quoi les Algériens sont le plus fiers, ils ne répondent pas : «de nos institutions démocratiques». Lorsque de notre passé ne sont puisés que les éléments de nos divisions, et pas du tout ceux de notre fierté, c´est que quelque part, il y a quelque chose qui ne va pas, et sur lequel on n´a pas du tout, ou pas assez mis le doigt. On a souvent répété que le terrorisme est un phénomène étranger à notre société pour faire l´économie d´une véritable thérapie nationale. On a souvent répété que l´Algérie est un lieu de transit de drogue et non de consommation, ce qui, là encore, fait l´économie d´une véritable thérapie nationale. Parfois, on énonce des principes qui apparaissent partiellement justes sans épuiser la logique de l´analyse. Ainsi, affirmer que l´intégrisme est la matrice porteuse du terrorisme et qu´il faudrait éloigner la religion de la politique tout en s´évertuant à ne pas être accusé de soutenir que la laïcité est la matrice porteuse de la démocratie, témoigne de l´impossibilité d´aller jusqu´au bout de ses convictions. Djaballah disait par contre que la crise était née de l´éloignement de la société de la religion. Ali Benhadj, en ses temps de «gloire», disait à Chadli «Proclamez l´Etat islamique et nous dissoudrons l´ex-FIS». Les «convictions» et projets de ces deux leaders étaient bien connus avant la légalisation du pluralisme politique. C´étaient donc, les courants politiques qui s´affrontaient dans la clandestinité et affrontaient aussi le pouvoir qui avaient reçu leur promotion en devenant des partis politiques légaux. L´architecture politique n´était donc pas nouvelle. Elle n´a été qu´une translation avec la reconduction exacte des mêmes antagonismes. Dans ces conditions, les alternances étaient appelées à se faire entre les positions du pouvoir et les positions aux maquis, avec un entretien permanent des sources de conflits armés. Djaballah avait peut-être raison de dire que l´alternance (pacifique?) se ferait dans un paysage politique exclusivement islamiste. Feu Hachemi Chérif disait également la même chose en réclamant un paysage politique exclusivement démocrate. Les conditions n´étaient donc pas réunies, en 1989, pour une lecture d´un avenir démocratique, puisque étaient légalisés des courants qui ne se reconnaissaient pas mutuellement le droit à l´existence politique légale. Qui avait donc estimé indispensable la légalisation des partis islamistes, dont le FIS, et pourquoi? La présidence était dirigée par trois grandes personnalités, dont Hamrouche qui affirmait n´y être pour rien, disant dernièrement même avoir été contre l´excès de précipitation. Au gouvernement, il y avait deux grandes personnalités comme chef de gouvernement et ministre de l´Intérieur et qui ont été depuis, assassinées. Il y avait également un ministre de la Défense. Toujours est-il qu´avec la dissolution du FIS, n´ont pas été dissoutes les contradictions, en témoigne tout ce qui s´en était suivi.