Vous vous appelez Sidi-Saïd, vous êtes le patron du plus grand syndicat du pays, vous voyez que la rentrée arrive, que les gens ne parlent que du référendum, que les archs envisagent d´attaquer Madani Mezrag en justice, que Benachenhou critique vertement la politique économique de Ouyahia, que le chef de l´Etat remet à leur place ceux qui à l´intérieur et à l´extérieur du pouvoir sabordent le projet de réconciliation, que Jacques Chirac tient à signer le traité d´amitié algéro-français sans répondre à Bouteflika sur le fond du désaccord (le colonialisme positif), que le Cnapest reporte sa revendication salariale à après le référendum, que Djaâboub installe le comité de suivi de l´accord d´association avec l´Union européenne, que Ghoul inaugure des trémies et des tronçons d´autoroutes, que Yahia Guidoum n´a pas encore réussi à remettre le sport national sur les rails, que Amar Tou est effaré par l´état de nos hôpitaux, que le pouvoir d´achat des travailleurs baisse malgré des recettes en devises faramineuses, et vous vous demandez «que faut-il que je fasse pour qu´on parle de moi? Je dois exister bon sang!» Dans les conditions de cette rentrée sociale particulière, où le référendum précède de peu les élections partielles en Kabylie, vous savez qu´il est impossible, à moins de se faire hara-kiri, d´organiser deux jours de grève générale. Vous savez en outre que l´article 87 bis est plus mesmar djeha que jamais, que ni Ouyahia ni Bouteflika n´accepteront de relever le salaire national minimum garanti. Alors vous vous creusez la cervelle pour trouver quelque chose à faire. Soutenir la charte de la paix et de la réconciliation? vous l´avez déjà fait. Aller à Genève participer à une réunion du BIT? Vous l´avez déjà fait. Tenir une tripartite avec le gouvernement et le patronat? C´est reporté à plus tard. Avoir ne serait-ce qu´une petite bipartite avec Ouyahia? Ce dernier a programmé des meetings à travers le pays pour soutenir la réconciliation. Demander une révision de la Constitution? Belkhadem vous a déjà devancé sur ce terrain et puis ce n´est pas votre tasse de thé. Comme Archimède vous criez Euréka en sortant de votre baignoire. Mais oui, c´est ça ! Le week-end universel. Mais bon sang, il fallait y penser. Vous y pensez justement et vous, vous ne vous contentez pas de ça. Vous le pensez et le criez sur tous les toits. Vous rameutez les journalistes, organisez des conférences de presse, offrez des collations à vos amis politiques (c´est la moindre des choses) mais aussi à vos adversaires. Il faut bien qu´ils en parlent aussi. Mais le problème, c´est que Abdelmadjid Sidi-Saïd n´a pas d´ennemis à proprement parler. Il est si débonnaire, si bébé Cadum, si lisse, si arrangeant avec tout le monde, qu´il ne s´est pas trouvé de contradicteur à sa taille, c´est-à-dire aussi lisse et aussi bébé Cadum que lui. D´accord pour un week-end universel. Mais qu´est-ce qu´on va en faire? Les plages sont polluées. Les routes cabossées, les espaces verts détruits par les incendies. Quant aux banques, aux douanes, aux administrations et aux entreprises, elles ne travaillent pas en temps normal, pourquoi voulez-vous qu´elles le fassent en week-end universel? Ça risque d´être un gachis, ya Sidi-Saïd, votre histoire de week-end universel. C´est juste bon sur le plan médiatique, pour faire parler de soi, histoire de dire: «Coucou je suis là.»