La rencontre entre les deux hommes a permis d'atténuer l'hostilité du septuagénaire à la Charte. Lors de son périple qatari, qui a coïncidé avec le jour du référendum sur le projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale, Madani Mezrag, ancien émir de l'Armée islamique du salut (AIS, branche armée de l'ex-FIS) a rencontré à Doha, et à deux reprises, Abassi Madani, ex-n°1 et président du Front islamique du salut. La présence de Mezrag à Doha, se justifiait par sa participation à un débat in live, où il devait défendre ses choix d'appui total au projet du président Bouteflika, alors que Abassi Madani y vit depuis plusieurs années déjà. Intéressante à plus d'un titre, la rencontre l'était d'autant plus que des préjugés entre les deux hommes existaient, et que, en fait, la rencontre était bel et bien la première du genre entre Abassi Madani, le responsable du FIS politique et Madani Mezrag, le responsable de l'aile militaire du parti dissous. Selon une source crédible, présente lors des deux rencontres, Abassi Madani a longuement parlé à Mezrag des raisons de son hostilité vis-à-vis de la Charte, après l'avoir appuyée dans son principe quelques mois avant la publication des textes portant le projet de Charte. L'ancien dirigeant du parti dissous a dit que, lui, s'attendait à mieux, «à voir se réaliser une véritable réconciliation, qui rendrait justice à tous, sans exclure quiconque». Mais, atténuant ses positions hostiles à la Charte, tels qu'exprimées, deux jours avant le référendum dans un long communiqué-réquisitoire adressé «au peuple algérien», Abassi Madani a dit que, finalement, il ne pourrait «se substituer au peuple», et que toute nouvelle avancée dans la bonne voie et la paix «est à prendre» Madani Mezrag a aussi fait comprendre à son ancien chef les raisons de son alignement sur la politique du président, qu'il a toujours définie comme «un pas décisif vers la solution finale qui, elle, reste à faire». Merzag estime qu'«il ne faut pas tourner le dos à toute nouvelle démarche vers la réconciliation définitive et qu'il faut se saisir de toutes les opportunités qui s'offrent malgré toutes les critiques qu'on peut leur porter, les injustices qu'elles peuvent constituer et les lacunes qu'on peut leur trouver». La première rencontre entre les deux hommes a été suivie d'une seconde qui remonte, à Doha, dans la résidence de l'ancien dirigeant du parti dissous, et selon notre source, cela a permis au septuagénaire d'atténuer son hostilité au projet de charte et de mesurer sur le terrain les mérites d'une telle politique. Soupçonneux, comme à son habitude, Abassi Madani avait dit il y a quelques semaines qu'il ne reconnaissait pas l'AIS et qu'il n'avait jamais dit à quelqu'un de prendre les armes et les maquis, et que, de ce fait, « ceux qui avaient pris les armes l'avaient fait seuls, de leur propre chef, et qu'ils étaient, donc, responsables de leurs actes». Créée à partir de la mi-juin 1994, à l'instigation des chefs politiques de l'ex-FIS à l'étranger dirigés par Rabah Kebir, l'AIS devait faire pièce au GIA et contrecarrer l'hégémonie et les dérives de celui-ci sur le terrain. A l'époque, Abassi Madani était en prison où il purgeait une peine de douze ans de réclusion, après les événements de mai-juin 1991, et les affrontements pouvoir-islamistes qui ont fait suite. Madani Mezrag, à la tête de l'AIS, avait appelé à une trêve des hostilités à partir de 1996. Le 1er octobre 1997, et suite à une rencontre secrète ANP-AIS, celle-ci déclare par un communiqué l'arrêt total des affrontements et le dépôt des armes. L'élection de Bouteflika en avril 1997, avait permis de donner une couverture politique et juridique à la trêve de l'AIS, permettant à ses membres (près de 3000) de bénéficier de l'intégralité de leurs droits civiques. Depuis l'autodissolution de l'AIS (le 13 janvier 2000), Madani Mezrag s'aligne régulièrement derrière les choix politiques de réconciliation nationale de Bouteflika, malgré les critiques acerbes qu'il exprime ici et là!