Quelle solution politique serait porteuse du moindre échec et quelle voie à emprunter pour y parvenir? Reconnaissons d´abord que la survenance de ce qu´on a appelé la tragédie nationale a mis en évidence les carences ou l´absence d´une politique étatique de prévention, ce qui avait plongé l´Algérie dans une équation politico-sécuritaire dont les variables ne sont guère facilement maîtrisables. Il serait moins utile de chercher à savoir qui est responsable et qui ne l´est pas de la tragédie nationale que de définir les causes antérieures qui avaient amené la création d´un contexte qui avait rendu possible qu´existent les ingrédients d´une guerre civile. Quelles politiques antérieures avaient été mises en oeuvre pour que la tragédie nationale en fut un aboutissement logique? Or, la recherche de la vérité qui est réclamée par les uns et occultée par les autres est liée aux factures payées en terme de versement du sang, mais fait l´impasse sur la recherche d´une autre vérité, celle qui avait rendu inéluctable, fatale la réunion des conditions d´une impossible entrée sereine dans l´ère du pluralisme politique légal. Ceux qu´on appelait tantôt les laïcs tantôt les progressistes, tantôt les démocrates, existaient bien auparavant. Ceux qu´on appelait et qu´on appelle encore les islamistes, existaient bien auparavant et étaient bien identifiés puisque nombre d´entre eux furent incarcérés durant l´ère du parti unique. Celui que l´on appelait et que l´on appelle encore le pouvoir existait bien avant la tragédie nationale et existe encore en terme d´hommes. Les acteurs n´ont donc pratiquement pas changé et c´était ceux-là qui s´affrontaient puisqu´on continue à s´affronter. Qui avait donc ramené de nouveau la légalisation du pluralisme politique quand le pouvoir tenait à demeurer pouvoir et que les luttes clandestines avaient reçu l´autorisation d´émerger en surface et de continuer à découvert? Après bien des heures d´un dialogue entre le HCE et Djaballah, ce dernier avait fini par accepter que siègent des «laïcs» au CNT (Conseil consultatif transitoire), à condition, ajoutait-il, qu´au-dessus du CNT, siège un comité d´oulémas chargé de vérifier la conformité à la charia des «décrets législatifs». Cet antagonisme entre deux courants politiques qui ne se reconnaissaient pas mutuellement le droit à l´existence politique légale, existait déjà durant la période d´absence du pluralisme politique légal. En fait, les contradictions qui existaient avaient été légalement reconduites. Imprévoyances? Déficit en analyse stratégique? A dessein? Il y en avaient qui affirmaient que le pouvoir qui divisait pour régner avait continué sur la même voie. Une alternance douce ne pouvait donc être possible que dans un paysage exclusivement islamiste, comme le revendiquait Djaballah ou dans un paysage politique exclusivement démocrate, comme le revendiquait feu Hachemi Chérif. Il y a ainsi trois systèmes référentiels aux repères différends, celui des islamistes, celui des démocrates accusés d´être des laïcs occidentalisés et celui du pouvoir qui rejette les deux premiers sans que ne puisse exister une fonction de passage qui relie les coordonnées entre elles. Chacun s´emmure dans ses convictions dont l´affrontement se comporte en source permanente d´instabilité et d´insécurité et c´est toujours le cas et il semble qu´il en sera ainsi pour longtemps, pour très longtemps encore.