L´histoire d´un pays (comme de tous les pays) est toujours tumultueuse. Partie d´un embryon d´Etat formé au temps de la féodalité sous le nom de comté, de duché ou de royaume, l´entité nationale va se développer au gré des évènements divers, qui participeront à sa formation: guerres, victoires, défaites, occupations, guerres civiles...La guerre civile demeure toujours l´évènement qui laisse le plus de cicatrices. Et la réconciliation nationale, opération réussie en Afrique du Sud grâce à la sagesse et au charisme de Nelson Mandela, ne trouve pas partout où se greffer à cause des campagnes haineuses que mènent certains hommes politiques. Ce qui s´est passé en Pologne est instructif au plus haut point: les tenants du pouvoir actuel, les frères Katczinski avaient axé leur campagne électorale sur la décommunisation de l´administration polonaise. Arrivés aux fonctions suprêmes de l´Exécutif, les deux suffètes ont entrepris de faire, ce qu´avait fait l´Allemagne avec les archives de la Stasi: débusquer tous ceux qui, de près ou de loin, ont collaboré avec les services de sécurité de l´ère communiste. Alors que l´Allemagne ne s´intéressait qu´aux crimes contre l´humanité, les libéraux polonais, eux, voulaient aller plus loin et gommer tout ce qui, un jour, a été rouge. La Cour suprême vient de les débouter de leur entreprise et leur a rappelé les limites imposées par la Constitution où le sentiment de haine est exclu. Comment comprendre cela? C´est simple, m´avait expliqué mon vieux professeur polonais, qui avait une culture aussi vaste que son coeur. Longtemps, les Polonais avaient été privés d´un Etat polonais: à peine constitué, le jeune royaume avait subi les foudres des pouvoirs voisins, le Vatican, les dynasties hongroises, françaises, les invasions teutoniques, suédoises, russes. Ce fut Napoléon qui rétablit le Grand Duché de Varsovie et c´est la Seconde Guerre mondiale qui ressuscita l´Etat polonais. A peine constitué, le jeune Etat, aux mains de la bourgeoisie, va engager une guerre contre le jeune pouvoir bolchevique confronté à une guerre civile qui durait depuis 4 années. Aidée par la France, l´armée polonaise infligea une cinglante défaite à l´Armée Rouge en 1926. Car, comme disait le vieux professeur polonais, la haine du Russe était tenace en Pologne, et la bourgeoisie polonaise entretenant ce sentiment, ne faisait aucune distinction entre le pouvoir autocratique du Tsar et le pouvoir populaire issu de la Révolution d´Octobre. C´est ainsi que l´armée polonaise sera considérée par les pouvoirs soviétiques comme une armée au service de la bourgeoisie, une armée de classe où les meilleurs fils de la classe dirigeante auront une place de choix. Mais l´Histoire est scélérate: l´occupation de la Pologne par les Nazis va précipiter l´armée polonaise dans les bras de Staline, un acteur important de la Révolution d´Octobre. On l´accusera par la suite d´avoir exterminé des milliers d´officiers polonais dans divers massacres. Les péripéties de la libération de la Pologne ne feront qu´augmenter le sentiment antirusse (bolchevique). La fin de la guerre froide et l´effondrement du communisme vont amener à la barre des partis de droite soutenus par l´Eglise et les USA. Ainsi, loin de mener une opération de réconciliation nationale comme cela a été fait ailleurs, le gouvernement polonais va organiser la chasse aux agents communistes: de prestigieux représentants de la société polonaise, évêque, député européen, journalistes vont être sommés de démissionner de leur poste. C´était une situation d´interdits professionnels telle que l´ont connue les Etats-Unis au temps du maccarthysme ou la République fédérale allemande avant la chute du mur de Berlin. Un peu plus, et Varsovie ressemblera à Kaboul après le départ des troupes soviétiques!