Des plants sont déracinés. Une mère de famille est poursuivie par le propriétaire... La bonne dame inculpée de destruction de plants d´arbustes, cherche à sortir des papiers de son sac, Linda Saâd-Eloud, la juge de Boudouaou, l´arrête net: -Laissez vos papiers, inculpée. Répondez plutôt à la question du tribunal: «Aviez-vous détruit des eucalyptus?» -Jamais, madame la présidente. -Si, avec un engin, répond la victime qui évoque les forêts, visiblement contrarié par la réponse catégorique de l´inculpée. Maître Abdelaziz Achlaf pose une question à l´inculpée relative au fait de s´être déplacée sur les lieux du sinistre. «Il ment. C´est un menteur. Nous avons perdu nos enfants. Nous ne pourrons pas commet-tre des crimes», tonne, verte de rage la bonne femme qui refuse visiblement le statut d´inculpée. Maître Mourad Chikhi, l´avocat de la femme inculpée, veut savoir si la victime possède des papiers réguliers quant à la propriété où les arbres auraient été détruits. Silence de partout, sauf... Les questions-réponses vont bon train alors que la présidente de la section correctionnelle se fait une idée sur le dossier. La victime n´arrive pas à suivre les questions de l´avocat de la partie adverse. Elle répond en «vrac». Elle semble gênée. Saâd-Eloud joue au policier, au gardien du respect des procédures et même au pompier: «Aviez-vous déposé plainte en section foncière avant le dépôt de plainte au pénal?» Le bonhomme dit oui, sans trop y croire. Il panique. Maître Chikhi, calmement plaide pour la victime et va de suite au fond des choses avec beaucoup d´allant. «Mon client ne possède pas de documents justifiant sa qualité, car la terre dépendait de Blida avant 2006. Le justiciable vous a répondu que ces terres appartiennent à l´Etat. Les représentants de l´Etat n´ont pas voulu se présenter. C´est leur problème. Le nôtre demeure celui de la destruction des arbres que nul n´a le droit d´abattre», dit le conseil. Le dinar symbolique est demandé. La juge demande s´il y avait des témoins et si les arbres en question avaient été complètement déracinés. La victime rectifie et parle de destruction des branches, i-e- les arbres sont encore debout. Touidjini, le procureur demande l´application de la loi. Maître Achelaf, l´avocat de l´inculpée va dans le sens des dernières questions et réponses. «Voilà un Algérien qui se substitue à l´Etat et prend la résolution d´attaquer une femme pour un délit qui n´en est pas un et surtout, il n´a sous la main aucun témoin, ou plutôt si, un seul: son propre fils. Que faire d´un délit où personne n´a rien vu? La clé de cette affaire est le chauffeur de l´engin qui n´a jamais été entendu, même ce mercredi, ici, maintenant. C´est un dossier vide. Et, à vrai dire, les forêts ne ses sont pas plaints. Où est donc la partie civile?», s´est presque fâché le jovial défenseur qui a prié Saâd Eloud de bien examiner ce dossier surtout qu´il ne contient rien de consistant, ni rien à retenir. Entre-temps, l´inculpée a demandé la permission de la juge pour ajouter quelque chose. «C´est non» jette la présidente avec cet air propre aux magistrats qui n´aiment pas perdre leur temps à tourner autour du pot. D´ailleurs, cette sacrée accrocheuse batnéenne, avait bien fait d´avoir posé la bonne question au bon moment: «Dites-nous un peu, vous la victime, les arbres ont-ils été arrachés? Est-ce que les racines ont quitté le sol?» La victime s´embrouille un peu et ce «francophone» reconnu pour s´être présenté à la barre, un canard national dans la poche arrière de son pantalon de ne dire que la vérité: «A vrai dire, madame la présidente, l´engin utilisé a plutôt arraché beaucoup de branches, et je...» «Ah! donc les arbres sont toujours debout?» demande à dessein, la présidente qui prend le silence de la victime pour un sec: «Oui, madame la présidente.» La juge cesse de poser des questions, tourne la tête en direction de Rabah Ougaret, ce bon et dévoué greffier pour annoncer la mise en examen pour la fin de l´audience. Un retour, deux heures après, Linda Saâd-Eloud lit le verdict: la nullité des procédures pour défaut de qualité de la victime et c´est tout dire..