Un pauvre hypertendu a eu la mauvaise idée de contacter quelqu´un, qui ne soit pas un proche et qui pourrait lui garder son domicile le temps qu´il revienne à Bab Ezzouar. Mal lui en prit car en 2008, dix années plus tard, le domicile a changé de...propriétaire! «Je n´ai jamais cédé mon logement contre la remise de cent millions de centimes. Cet individu m´avait été présenté par mon frère», dit, sans ponctuation, l´inculpé qui ne comprenait pas tout comme Maître Djouamra, comment on pouvait prendre le risque de perdre définitivement son logement et la liberté avec! avec ces deux inculpations. Et cette procuration? demande Fella Ghezloune, la juge qui savait, dès le début, que c´était la galère. «Je n´étais pas bien sur le plan santé durant les années 90. Je lui ai confié le gardiennage.» Etat de santé ou état sur la sécurité? insiste la présidente, qui comme toujours, domine son sujet en allant droit aux faits. «Vous aviez déserté votre appartement durant dix ans. Pourquoi ne pas carrément l´avoir loué», articule la présidente qui ne s´attendait pas à un scoop éclairant. L´inculpé ne trouve pas la bonne réponse. Il n´arrive pas à remettre de l´ordre dans ses idées...La victime donne à son tour sa version des faits. «J´ai acquis cet appartement contre cent vingt millions de centimes dans les règles de l´art. Je me suis marié cette année-là. J´ai retapé mon logement. Dix années après, il a entamé les démarches pour annuler la procuration où il est stipulé qu´il fasse attention à mon bien que j´ai payé! On m´a alors suggéré de faire opposition et de déposer plainte.» Ghezloune cherche à savoir à combien de reprises il s´est rendu chez le nouveau propriétaire? «Oui, en d´autres mots, combien de fois vous êtes-vous déplacé chez vous à Bab Ezzouar vous enquérir de l´état de votre bien?» demande la présidente. Avant de répondre, l´inculpé est toujours sous le coup d´un «étourdissement» qui semble le ramener dix ans en arrière, le jour où il avait remis les clés et l´arrêté de l´Opgi à présenter en cas de contrôle...«Depuis 1998, j´étais malade. Je ne pouvais pas me déplacer sur Alger régulièrement. Il y avait beaucoup de coups de fil entre nous. J´avais une confiance aveugle. Je ne croyais pas qu´un jour, je serais devant les juges pour récupérer mon bien!» murmure l´inculpé qui n´en revient pas d´être poursuivi pour rien ou plutôt de ne pas être entendu en qualité de victime. Et puis, intervient cette histoire de changement de compteurs Sonelgaz et Seaal! «Du nouveau, en 2008?» coupe la présidente qui n´est pas du tout émue par le statut du propriétaire du logement qui a changé de «statut» en un tourne-main. Messaoud Kennas, le procureur, veut coincer l´inculpé: «Vous avez le numéro de son mobile depuis dix ans. Pouvez-vous nous répéter son numéro? L´inculpé répond qu´il est incapable de reprendre le même numéro de sa propre épouse!!! Maître Djouahra a envie de se débarrasser de sa robe noire et déclarer la guéguerre au parquetier qui a osé demander à l´inculpé de répéter un numéro. Le témoin confirme la version de la victime, en l´occurrence la remise d´une forte somme d´argent qu´il est incapable de situer en millions de centimes. "C´était un gros sachet", ajoute le témoin qui sera contré plus tard au cours de la plaidoirie autour de ce "sachet" d´où était visible une forte somme», s´est-il égosillé laissant le soin à la juge à apprécier ces délicieuses précisions dans le témoignage. La juge revient à la victime: «Vous aviez remis une grosse somme à l´inculpé sans papiers? C´est curieux!» mâchonne-t-elle. Mme la présidente, ce qui est vrai dans cette triste affaire, la victime est mon client, c´est lui la victime d´abus de confiance. Oui, abus de confiance. Nous ne comprendrons jamais que la justice ne tienne pas compte des papiers du domicile détourné qui a vu mon client être spolié et plus grave, poursuivi. Durant les plaidoiries, nous avions tout entendu. Une rude bataille qui va se terminer en queue de poisson jusqu´à ce que, excédée par les prises de bec entre Maître Labdi et Maître Djouahra qui n´ont pas voulu céder un pouce de terrain pour soutenir fermement leurs clients tous deux «out» et ce, jusqu´au 10 juin 2009, date de l´énoncé du verdict autour duquel Ghezloune a son idée surtout qu´au départ, l´inculpation était l´escroquerie alors qu´en cours de route, l´avocat de l´inculpé avait crié sa douleur que son client poursuivi ne soit pas la seule victime dans cette affaire, et victime d´abus de confiance. Et dire que l´inculpé ne voulait pas donner en gardiennage son logement à un membre de la famille. Soit. Mais il a trouvé pire: l´ami de son propre...frère volatilisé depuis...