Omar L. et Amar L., deux frangins, se prennent au collet pour un petit terrain qui vaut de l´or en 2009. Pourtant, le contentieux lui, dure depuis... D´abord, il est bon de signaler que l´inculpé est né en 1936 et affirme que le terrain lui a été cédé par sa mère en octobre 1972. Il a compris l´insinuation de la présidente, la magnifique Sihem Bechiri, qui lui dit: «Vous aviez bien seize ans lorsque vous aviez acheté ce terrain!» Le représentant du ministère public, Mourad Hellal ira plus loin en soulignant qu´il n´est pas normal qu´une femme au foyer, sans revenu aucun, ait pu acquérir un terrain de mille quatre-vingt-trois mètres carrés. «A l´époque, c´était la belle vie. Nous vivions tous autour d´une même table basse» a crié plusieurs fois Amar qui ne regardera jamais son frère aîné, Salim, durant les quatre-vingt-dix minutes de débats. D´ailleurs, ce dernier, documents à la main, a répété que c´est lui l´unique propriétaire du terrain et que les deux frères s´étaient ligués contre lui. «C´est une opération frauduleuse montée contre l´analphabète que je suis», dit amèrement la victime. Le procureur sourit, lui qui avait une question aux deux frères présents à la barre et... «ennemis» pour un lopin de terre. «Comment voyez-vous l´avenir de vos enfants?» Il ne reçoit aucune réponse. Amar, l´inculpé, pour justifier le partage de la parcelle, affirme que cela avait été fait devant la Djemaâ en 1987. La présidente saute sur l´occasion et demande à Amar de produire l´acte de vente établi par la défunte mère. M., le défendeur de l´inculpé, répond qu´il possède une déclaration sur l´honneur. Le prévenu ajoute en jurant que c´est son frère aîné Omar qui avait insisté pour que le terrain acquis en 1972, soit inscrit au nom de la maman. «C´est faux, c´est ma terre et personne n´y a droit», proteste Amar. L´avocat de la victime est tout bouleversé. Il souligne qu´entre 1978 et 1984, personne n´a demandé un seul mètre carré. Ce n´est que bien plus tard que les deux frères ont entrepris des démarches sur la base de l´appartenance du terrain à la mère, laquelle, toujours selon l´avocat, n´avait pas un «douro» à l´époque, en 1972. La présidente, elle, parle doucement. L´expert, quant à lui, est formel: «La vente avait été réalisée au profit de Omar, la victime aujourd´hui». L´avocat du prévenu contre-attaque et rappelle qu´en 1998, un autre expert avait conclu que la vente avait été faite au profit de la mère. Allez comprendre! «Madame, il s´agit du pénal, nous sommes poursuivis pour faux. Qu´on nous le prouve», dira le défenseur ému et plus que motivé. La juge est impassible. Les plaidoiries seront diamétralement opposées. Celle de la partie civile a reposé sur le fait que la terre, objet du litige, est propriété exclusive de Amar. En 2002, la victime qui a eu vent du faux a déposé plainte. La défense de l´inculpé a tourné autour de la contradiction. «Nous avions posé une question avec la permission du tribunal, au sujet de la date du dépôt de plainte.» La victime a répondu: «1994», son Conseil vient d´articuler 2002 et ce n´était pas un lapsus, a signifié le défenseur qui a demandé au juge d´appliquer la loi d´après les documents fournis. Pour ne pas être en reste, Mourad Hellal, le représentant du parquet, a demandé l´application de l´article 222 du Code pénal qui évoque le faux sur les documents administratifs et prévoit une peine de prison ferme de six mois à trois ans et une amende de mille cinq cents dinars à quinze mille dinars. Au cours des débats, Amar, l´inculpé, lance à l´intention du magistrat que s´il est accusé de faux pour trois cents mètres carrés seulement, pourquoi ne l´aurait-il pas fait pour mille quatre-vingt-trois mètres carrés. Si la partie civile a demandé huit cent millions de centimes en guise de réparation, la défense, elle, a demandé la relaxe, toute la relaxe. La juge est merveilleusement bien installée. Les avocats et magistrats soulignent sa rigueur. Elle prend tout son temps. Pour cela, elle retient deux axes principaux pour donner à sa mise en examen une crédibilité en cas d´appel des parties ou même d´une des parties. Le premier axe tourne autour de l´existence d´un document validant la vente à la mère. Le second axe est formé du document fourni par la victime. Reste maintenant l´état d´esprit qui anime les trois frères (le deuxième était absent de la salle d´audience). Quel que soit le verdict (pas encore prononcé car la juge a ordonné un complément d´informations), comment vivront ces trois frères qui formaient une même famille? L´éclatement paraît déjà consommé...pour un petit lopin de terre...