C´est avec un plaisir certain qu´on apprend que notre président de la République, Abdelaziz Bouteflika, va réunir, pour la première fois, les présidents des Assemblées populaires communales, appellation officielle pour désigner ces élus de la cellule de base de la vie économique, politique et sociale du pays. C´est une manière comme une autre de renouer le dialogue entre le sommet et la base des élus, une façon pédagogique de renforcer les liens, de clarifier les codes de communication pour mieux faire fonctionner les courroies de transmission entre les différentes structures administratives du complexe système de gestion du pays. C´est aussi pour les nostalgiques de se rappeler le bon vieux temps des grandes messes de feu Boumediène avec ses cadres nationaux. Cette réunion qui intervient à la veille d´une révision d´un Code communal obsolète, interpelle sur l´érosion d´une fonction qui était considérée jadis comme capitale dans la vie quotidienne des citoyens. L´histoire du pays nous le restitue affublé de son écharpe tricolore et officiant à l´occasion de tous les événements touchant à la collectivité qu´il anime et qu´il représente: il est officier d´Etat civil, gère les archives et registres des actes de mariages, naissances et décès. Il préside un conseil municipal dont il est l´émanation pour gérer les ressources et les dépenses de la commune. Il fixe les objectifs modestes de sa circonscription en ce qui concerne les questions essentielles de la vie: l´éducation, la santé, la voirie, l´hygiène publique, la sécurité, le transport. Il était le premier citoyen de la commune et était constamment à l´écoute de la population qu´il représente. Les maires avaient tellement d´importance que leur lobby, réuni en 1904 et représentant les intérêts des colons, a pesé lourdement dans les décisions de l´administration française, bloquant toutes les velléités d´émancipation de la masse des indigènes. Dans son volumineux recueil sur l´histoire de la guerre d´Algérie, Henri Mekla note que son conseil municipal, éminemment progressiste, fut à quatre reprises dissous par les instances administratives et juridiques françaises. C´était dans les années 1930! Après l´Indépendance, durant la période trouble des débuts de la construction de l´Etat, des délégués spéciaux ont été nommés par le pouvoir central sur la base du militantisme et du passé engagé des candidats à ce poste peu rémunérateur. En 1967, et bien après, le parti unique va proposer sa liste unique à des électeurs qui accueilleront avec fierté, cet exercice symbolique d´une souveraineté chèrement acquise. Mais avec les années de l´application de l´article 120, le changement des orientations politiques et économiques, va commencer, dans une opinion publique désabusée, la descente aux enfers dans l´impopularité des présidents d´APC. La tragédie nationale reverra, dans certaines communes, la nomination des DEC pour remplacer les militants du parti dissous. Beaucoup d´entre eux tomberont, victimes du devoir. Ces dernières années, c´est la justice qui s´intéressera à la gestion de nombreuses communes. Des maires, intéressés simplement par les assiettes de terrain ou tentés par la corruption qui gangrène le terrain, devront rendre des comptes à une justice et à un pouvoir soucieux de rendre sa crédibilité à cette honorable fonction. Quand verra-t-on enfin un maire qui se déplace à pied (en dehors de la campagne électorale), s´informant et s´inquiétant de la vie de l´électeur? Quand verra-t-on un maire qui ne soit pas uniquement préoccupé par la réfection des trottoirs? Quand verra-t-on enfin un maire au premier rang d´une manifestation de mécontentement? Peut-être à la fin de l´état d´urgence!