Un bigame s´en va dans l´au-delà sans que Dame Mort ne klaxonne...Catastrophes... Un bigame meurt après une longue maladie. Et qui dit longue maladie dit indisponibilité, immobilisation, soins, douleurs, soucis. Quelque temps après, la seconde veuve reçoit, autour d´un café, la famille du premier lit. On discute d´un peu de tout et immanquablement d´héritage et de fréda. Les deux familles se séparent dans un esprit bien fait. Il y a sept - deux jeunes hommes et cinq filles - pour la première maman et deux garçons pour la seconde. Neuf enfants! Les jours s´écoulent paisiblement jusqu´à ce fameux dimanche où l´aîné du second lit se présente à l´APC retirer un extrait, une fiche familiale. Rien d´anormal sauf que la première famille, elle, a réussi à établir la frédha avec un document...faux...avec la mention «divorcée» pour la seconde épouse - colère, exclamations, plainte - tribunal. Débats, quiproquo. Sihem Bechiri, la juge a su, dès qu´elle avait achevé la lecture du dossier à quoi s´en tenir. Mais la question qui a dû la tarauder, c´est cette histoire de l´avocat qui s´est chargé du retrait des documents dont celui qui est à la base des poursuites. Vingt fois, et même plus, le jeune fils cadet de la seconde veuve a répété que sa mère n´a jamais été divorcée, ni répudiée: «A aucun moment, il n´y a avait malentendu entre notre cher défunt papa et nous.» Par contre, la première épouse s´est vu être «grondée», surtout qu´elle était inculpée de faux et d´usage de faux, au moment où elle avait assuré en cinq secondes que la nouvelle du divorce de la seconde dame leur était parvenue par ouï-dire. «Taisez-vous. Ici, nous causons papiers, pas de troubadours et autres partisans de "on dit"». Ça suffit! avait tonné cette fantastique magistrate qui a tout entrepris pour ne rien laisser au hasard. Les avocats ont réussi à faire passer le message. Et même l´austère Maître Taleb a posé les questions qu´il avait soigneusement préparées. «Ce sont mes frères et soeurs de mon père» avait lancé, d´emblée, le jeune qui les poursuit de faux et d´usage de faux et qui est venu le coeur plein. «Ma mère, seconde épouse de mon défunt père a retiré des extraits avec la mention: "divorcée" alors qu´elle n´a jamais comparu devant le juge du statut personnel.» Suivez notre regard pour la suite des événements. «Qui a retiré ces documents falsifiés?» demande Sihem Bechiri, la juge de Bir Mourad Raïs (cour d´Alger). «C´est notre avocat» répond sans hésiter la mère des sept enfants, tous présents, à la barre. «Maître, il faut une ordonnance du tribunal pour effectuer de telles démarches!» s´exclame la présidente de la section correctionnelle. Ce que reproche le jeune plaignant, c´est le fait que la fridha ait été rédigée en l´absence de la seconde épouse et des enfants. Maitre Taleb Tejeddine pose la question autour du pourquoi de la mention «divorcée». C´est le plaignant qui répond que la famille de la première épouse s´était déplacée nous informer «de l´établissement de la frédha sans nous», a marmonné le jeune vite grondé par un de ses frères... Puis, c´est la cacophonie. Personne ne sait plus qui avait intérêt à effectuer des faux. La mère des sept enfants jure que personne n´a eu à faire quoi que ce soit qui puisse aller au-devant d´une inculpation. Maître Taleb cherche à savoir pourquoi le notaire avait douté de l´authenticité des papiers. Il rejette, en bloc, tous les papiers falsifiés qu´il déclare effectués et demande un million de dinars de réparations Naïma Amirat requiert une peine de prison ferme. L´avocat de la famille inculpée explique le processus de la frédha qu´il considère correct, ceci étant écrit, il faudrait peut-être aller au-devant, de questions autour de certains avocats qui s´impliquent si bien dans un dossier, qu´ils commettent l´irréparable. Heureusement que tous les bâtonniers veillent sur cet aspect, en rappelant sans cesse à leurs pairs que «le justiciable passe, demeure le cabinet et son prestige.» Et ici, Bechiri, en sa qualité de juge chargée de trouver le chemin le plus court pour aller à la vérité n´avait pas tort en effectuant un crochet vu d´où nous nous trouvions, comme un rappel à l´ordre signifiant que le rôle de l´avocat n´était pas celui de se charger du retrait de documents de divers services. L´avocat est un conseil, pas un «démarcheur», sinon il perdrait de sa superbe. Et d´ailleurs, beaucoup d´interrogations avaient recouvert ce dossier et ceci est d´autant plus vrai que le notaire avait estimé suspects les documents présentés par la seconde veuve. Il y a eu deux affaires de poursuites. «Les contacts entre les deux familles n´ont jamais cessé. Nos clients ont présenté de bons documents, sur lesquels avait été établie la frédha, source d´ennuis actuels», a sifflé l´avocat de la famille inculpée qui a exhibé les documents retirés de l´APC. «Nous ne portons aucune responsabilité dans cette erreur matérielle technique de l´APC». Il est vrai que des familles mal préparées ou pas du tout au décès d´un proche qui laisse derrière lui des «biens» se heurtent plutôt aux maux préjudiciables pour l´unité justement de ces familles. Et les familles du jour, soit les neuf frères et soeurs, ne sont pas utérins. Ils le sont vraiment car issus du papa donc du même sang. Dommage qu´au cours des débats, nous n´avions pas décelé le moindre sourire, le moindre regard affectueux des uns et des autres pour que la juge puisse aller au-delà du délit. Ligotée par l´ordonnance de renvoi, Bechiri qui sait ce que c´est que de perdre son papa (le sien est parti depuis huit mois) ne va pas se plier en quatre pour tenter une éventuelle réconciliation. Elle en reste au délit. D´ailleurs, dès qu´elle a annoncé la mise en examen du dossier, les deux familles allaient sonner la charge de la «cavalerie légère» et ce, au nom d´une frédha falsifiée. Ah! malheureuse justice! A qui tu as affaire!