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Récit d'une descente aux enfers
«Anastasia, pourquoi a-t-il fallu que tu te perdes à Alger ?» de Rachida Titah
Publié dans Le Midi Libre le 15 - 11 - 2007

Ce roman de Rachida Titah révèle au lecteur une image d'une certaine Algérie. Celle d'un monde misogyne, xénophobe, assoiffé de privilèges et d'argent facile. Celle d'une caste dont l'avidité, l'arrogance et l'injustice n'ont d'égal que l'ignorance grossière et l'inculture.
Ce roman de Rachida Titah révèle au lecteur une image d'une certaine Algérie. Celle d'un monde misogyne, xénophobe, assoiffé de privilèges et d'argent facile. Celle d'une caste dont l'avidité, l'arrogance et l'injustice n'ont d'égal que l'ignorance grossière et l'inculture.
Anastasia, une jeune femme russe, sombre dans la folie la nuit des obsèques de son époux. Cette veillée funèbre semble être le pic d'une vie conjugale plus que ratée. Car la vie en faisant évoluer les deux époux différemment a construit entre eux une barrière infranchissable, que ni leurs trois filles ni la spirale tragique où va s'engouffrer l'Algérie n'arrivent à détruire. Entourée des membres de sa belle-famille, venue reprendre le corps du défunt pour l'enterrer à Annaba auprès d'une éventuelle nouvelle famille, créée à l'insu de l'épouse russe, Anastasia a peine à réagir avec lucidité . Submergée de douleur et pourtant entourée de l'affection de ses filles et de ses amies, elle sombre peu à peu dans un état qui semble justifier le choix de l'auteur pour ce prénom narcotique.
C'est ce va-et-vient entre des états de conscience hyper-douloureuse, qui la font basculer dans un monde de souvenirs et un état d'inconscience quasi amnésique lorsque la douleur devient insupportable, qui fait la trame du roman.
Durant cette veillée funèbre, sans corps à veiller, trente ans de la vie du couple algéro-russe sont ainsi parcourus par la pensée d'Anastasia dont le sentiment d'altérité et d'étrangeté dans ce milieu d'apparatchiks et d'arrivistes que son mari courtisait n'a jamais été si aigu.
Mariée à Mounir, un cadre algérien qu'elle a connu alors qu'il était encore étudiant en URSS, Anastasia revit les affres du mariage Made in Algeria jusqu'à ce jour où elle découvre son époux mort au bas de l'escalier du salon de la maison familiale.
Rachida Titah, dont c'est le premier roman, semble avoir choisi une origine étrangère lointaine pour dire les souffrances d'une femme vivante et aimante que la vie sépare chaque jour un peu plus d'un mari adoré. Car ce que vit la jeune Russe, qui n'écoutant que son cœur a tout sacrifié pour vivre auprès de l'homme aimé, est un sort largement partagé par beaucoup de femmes du pays, comme le montrent les nombreux exemples du roman.
L'origine russe d'Anastasia ne semble donc être qu'un prétexte. C'est peut-être pour Rachida Titah la meilleure manière de mettre en évidence la barrière infranchissable qui s'élève entre deux façons différentes d'appréhender la vie. Anastasia est amoureuse de l'art, de la littérature, du monde de la pensée et des sciences. Mounir, lui, est peu à peu avili par une Algérie de privilèges, d'allégeance et d'argent. Pris dans les rouages d'un système «corrompu et corrupteur» il cultive des relations intéressées et se sépare de plus en plus du monde intérieur très riche de son épouse. Fini les discussions sur Tchékhov, Pouchkine ou la musique andalouse qui avaient cimenté leurs relations en URSS !
Le roman qui s'étire du moment où l'héroïne découvre son mari sans vie, au moment où enfin on va l'enterrer, un assassinat terroriste ayant été soupçonné, est un long récit monocorde et plein de répétitions.
Rachida Titah, qui a ébloui le public avec son recueil de nouvelles «Un ciel trop bleu» paru en 1997 et traitant de l'Algérie des années d'horreur, semble perdre le fil de sa narration et peine à captiver le lecteur. Soit écrit au passé et en caractère italique pour illustrer les souvenirs, soit écrit au présent en caractère normal, le récit ne se départit jamais d'un ton mortifère et d'une cadence assez artificielle. Est-ce l'emploi de la troisième personne qui éloigne la narratrice de l'héroïne ? Est-ce l'hyperréalisme des situations qui montrent un monde misogyne, arbitraire, profondément injuste qui ne s'éclaire jamais ? La cruauté du statut de « l'étrangère », de la femme tout simplement, y est dépeinte crûment. Une Algérie affreuse façonnée par l'argent et les rapports de force, une Algérie de hogra et de gens riches, snobs, méprisants et incultes, étouffe le lecteur jusqu'à la nausée. Une absence totale d'intrigue mais un suspense pesant concernant l'origine terroriste ou non de la mort de Mounir. LLa bigamie confirmée ou non de ce dernier, la déshérence ou non de sa veuve et de ses filles maintiennent le lecteur dans une sorte d'émoi désabusé comme Anastasia qui hésite au bord de la folie pour finir par y plonger. C'est du moins ce que le lecteur croit comprendre au dernier chapitre de ce roman douloureux. Le roman de l'autre Algérie.
Anastasia, une jeune femme russe, sombre dans la folie la nuit des obsèques de son époux. Cette veillée funèbre semble être le pic d'une vie conjugale plus que ratée. Car la vie en faisant évoluer les deux époux différemment a construit entre eux une barrière infranchissable, que ni leurs trois filles ni la spirale tragique où va s'engouffrer l'Algérie n'arrivent à détruire. Entourée des membres de sa belle-famille, venue reprendre le corps du défunt pour l'enterrer à Annaba auprès d'une éventuelle nouvelle famille, créée à l'insu de l'épouse russe, Anastasia a peine à réagir avec lucidité . Submergée de douleur et pourtant entourée de l'affection de ses filles et de ses amies, elle sombre peu à peu dans un état qui semble justifier le choix de l'auteur pour ce prénom narcotique.
C'est ce va-et-vient entre des états de conscience hyper-douloureuse, qui la font basculer dans un monde de souvenirs et un état d'inconscience quasi amnésique lorsque la douleur devient insupportable, qui fait la trame du roman.
Durant cette veillée funèbre, sans corps à veiller, trente ans de la vie du couple algéro-russe sont ainsi parcourus par la pensée d'Anastasia dont le sentiment d'altérité et d'étrangeté dans ce milieu d'apparatchiks et d'arrivistes que son mari courtisait n'a jamais été si aigu.
Mariée à Mounir, un cadre algérien qu'elle a connu alors qu'il était encore étudiant en URSS, Anastasia revit les affres du mariage Made in Algeria jusqu'à ce jour où elle découvre son époux mort au bas de l'escalier du salon de la maison familiale.
Rachida Titah, dont c'est le premier roman, semble avoir choisi une origine étrangère lointaine pour dire les souffrances d'une femme vivante et aimante que la vie sépare chaque jour un peu plus d'un mari adoré. Car ce que vit la jeune Russe, qui n'écoutant que son cœur a tout sacrifié pour vivre auprès de l'homme aimé, est un sort largement partagé par beaucoup de femmes du pays, comme le montrent les nombreux exemples du roman.
L'origine russe d'Anastasia ne semble donc être qu'un prétexte. C'est peut-être pour Rachida Titah la meilleure manière de mettre en évidence la barrière infranchissable qui s'élève entre deux façons différentes d'appréhender la vie. Anastasia est amoureuse de l'art, de la littérature, du monde de la pensée et des sciences. Mounir, lui, est peu à peu avili par une Algérie de privilèges, d'allégeance et d'argent. Pris dans les rouages d'un système «corrompu et corrupteur» il cultive des relations intéressées et se sépare de plus en plus du monde intérieur très riche de son épouse. Fini les discussions sur Tchékhov, Pouchkine ou la musique andalouse qui avaient cimenté leurs relations en URSS !
Le roman qui s'étire du moment où l'héroïne découvre son mari sans vie, au moment où enfin on va l'enterrer, un assassinat terroriste ayant été soupçonné, est un long récit monocorde et plein de répétitions.
Rachida Titah, qui a ébloui le public avec son recueil de nouvelles «Un ciel trop bleu» paru en 1997 et traitant de l'Algérie des années d'horreur, semble perdre le fil de sa narration et peine à captiver le lecteur. Soit écrit au passé et en caractère italique pour illustrer les souvenirs, soit écrit au présent en caractère normal, le récit ne se départit jamais d'un ton mortifère et d'une cadence assez artificielle. Est-ce l'emploi de la troisième personne qui éloigne la narratrice de l'héroïne ? Est-ce l'hyperréalisme des situations qui montrent un monde misogyne, arbitraire, profondément injuste qui ne s'éclaire jamais ? La cruauté du statut de « l'étrangère », de la femme tout simplement, y est dépeinte crûment. Une Algérie affreuse façonnée par l'argent et les rapports de force, une Algérie de hogra et de gens riches, snobs, méprisants et incultes, étouffe le lecteur jusqu'à la nausée. Une absence totale d'intrigue mais un suspense pesant concernant l'origine terroriste ou non de la mort de Mounir. LLa bigamie confirmée ou non de ce dernier, la déshérence ou non de sa veuve et de ses filles maintiennent le lecteur dans une sorte d'émoi désabusé comme Anastasia qui hésite au bord de la folie pour finir par y plonger. C'est du moins ce que le lecteur croit comprendre au dernier chapitre de ce roman douloureux. Le roman de l'autre Algérie.


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