Il y a des conjoints si rancuniers qui vont jusqu´à s´éclabousser en diffamant l´autre... Il est toujours vrai qu´il y a des avocats forts et intraitables lorsqu´ils défendent des inculpés. Maître Benoudhah Lamouri, constitué en faveur d´une victime d´abandon de famille. Pour ceux qui connaissent ce vieux renard des prétoires, Maître Lamouri a, ce jour, effectué une véritable «danse du loup» pour pousser l´inculpé, l´ex-époux vers la taule: «Vous avez devant vous, monsieur le président, un cas d´espèce: non seulement, il abandonne sa famille nombreuse, mais encore il va carrément jusqu´à diffamer la mère de ses six enfants. C´est inadmissible. Force doit rester à la loi», s´est exclamé, tout en sueur, l´avocat qui va, à travers trente questions harceler l´inculpé: Cocasse situation. - Madjid R. est poursuivi pour abandon de famille. A la barre, il se présente comme mari...trompé, de papa...battu par ses enfants. Le juge, lui, ne retient que le non-paiement. Il ira jusqu´à appuyer par nombreux signes de la tête la percutante plaidoirie de Maître Lamouri que l´on présente comme un excellent avocat lorsqu´il défend des...inculpés! Les procès en correctionnelle vous donnent des situations parfois cocasses. C´est ainsi que Madjid R. inculpé de non-paiement de pension alimentaire, s´est présenté à la barre en qualité de détenu, de mari trompé, de papa battu par ses six enfants, dont cinq gaillards âgés de quatorze à vingt-six ans. Le juge, lui, veut parler d´abandon, point, virgule. Les poursuites n´évoquent ni tromperie ni homme dans le lit. Non. Maître Lamouri prend son menton tout en évitant le regard effarouché de sa cliente. Madjid R., la cinquante dépassée largement, est traîné devant la section pénale pour abandon de famille. Il a six enfants dont deux mineurs. Coincé pour avoir laissé tomber sa famille, durant trois ans, il n´a pas trouvé meilleure parade que d´accuser la mère de ses enfants d´adultère. «J´ai quitté le domicile car elle a amené un homme dans mon lit», lâche-t-il alors que Naïma, un fichu blanc sur sa tête fait la grimace: «Vulgaire personne...sois maudit» tempête-t-elle devant un juge, curieusement tolérant, lui qui est généralement pointilleux quant au respect dû entre adversaires, mais qui a vite saisi que cette famille ne règle ses différends qu´à coups d´insultes et diffamations. Le juge se ressaisit tout de même: «Restons sur l´inculpation, voulez-vous?». Le prévenu rappelle que Mme travaille, que lui ne fait rien. Naïma s´écrie qu´il avait quatre cents mètres carrés, qu´il s´était remarié avec sa maîtresse. Madjid conteste ces propos et demande même au juge que ses deux garçons âgés de 26 et 22 ans n´ont pas le droit à la pension alimentaire. Le président lui donne un coup de main: «Le tribunal pense que c´est à eux de vous verser une pension alimentaire s´il est prouvé qu´ils bossent». Il rit, le prévenu sourit. La dame grimace. Naïma ne fait que grimacer depuis qu´elle a vu un agent du poste de police du tribunal ramener son époux du box à la barre, le tenant à l´oeil avec un regard froid aussi froid que le marbre frais que l´on venait de placer et que ne foulera plus l´indocile Salim Saouri, le procureur muté à Chlef et remplacé par Meftahi, inflexible, nous dit-on, sur le rendement des commis de cette juridiction et surtout soucieux de la bonne marche du tribunal. C´est dire les deux méthodes opposés des deux parquetiers... La procureur, Barkahoum Messaoudi, veut poser une question, mais fait un dur commentaire: «Vous êtes incapable de fonder un foyer et je...», le prévenu l´interrompt sans l´autorisation du juge tolérant: «Nous sommes venus divorcer; ça n´a pas marché, Madame» marmonne-t-il. Elle lance des demi-mots. Visiblement, elle a quelque chose à dire. Le président l´aide: Qu´y a-t-il, Madame?, siffle paternellement le magistrat qui est ligoté par, le statut de Madame, en l´occurrence, victime dans cette affaire. «Il m´a épousée alors que je n´avais que seize ans. Il m´accuse d´adultère après trente ans d´union féconde. Quelle honte!» pleure-t-elle. Pour mettre tout ce beau monde sur la même longueur d´ondes, le magistrat invite la représentante du ministère public d´effectuer ses demandes. Elle se lève et entame un court réquisitoire au cours duquel elle a affirmé que le prévenu joue la mauvaise foi. Il savait qu´elle avait déposé plainte. La bonne dame a demandé onze millions de centimes à titre de dommages et intérêts, soit moins de quatre millions par an. C´est insuffisant. Enfin, pour ce qui est de l´empêchement de l´épouse, le prévenu aurait dû déposer plainte pour obstruction. Un an de prison ferme demande Messaoudi sans teint. Le président fait mieux. Il condamne Madjid R. à une peine de prison ferme de dix-huit mois et deux mille dinars d´amende. Comme quoi, un foyer, une famille sont solidement protégés par la loi. Monsieur le condamné a dû l´apprendre à ses dépens. Il aura tout le temps de se morfondre et qu´il oublie surtout ce pseudo-adultère, délit pas facile à prouver car les conditions à réunir sont effroyables. Reste l´appel...mais Maître Lamouri reste confiant pour la confirmation du verdict qu´il trouve juste vu la défaillance du père de famille, lequel, libre ou en détention, ne sert pas à grand-chose pour sa famille nombreuse.