Pourquoi certains magistrats ignorent totalement les termes de l´alinéa 3 de l´article 374 du Code pénal? Kamel Boucheligue, le jeune président de la section correctionnelle du tribunal de Sétif était, ce samedi, plus qu´à l´aise devant la centaine de cheminos de l´énorme rôle hebdomadaire. Il était plus à l´aise et ce, d´autant qu´à deux jours des fêtes de l´Aïd El Kébir, il était beaucoup plus heureux de retrouver sa famille à Magra (wilaya de M´sila), cette localité qui a donné des El Khier à la pelle. Avant de passer à l´affaire de l´émission de chèque sans provision, une affaire où semble-t-il, il y avait eu...sous-sol, une escroquerie manifeste émanant de la...victime, Boucheligue ne s´était pas fâché outre mesure en condamnant, sur le siège, l´inculpé d´un sale délit à une peine de prison ferme d´un an, lorsque ce dernier s´était exclamé: «Monsieur le président, pourquoi une année. Ce n´est pas juste», et le magistrat, magistralement installé dans un solide fauteuil, de rétorquer sans battre des cils: «Eh bien! puisque vous n´êtes pas content, vous avez dix jours pour interjeter appel.» Le gars s´exécuta en retournant ses talons et ses épaules avant de quitter la salle d´audience dans un sale état, aussi sale que le délit. Mohammed Tayeb, l´inculpé, âgé de plus de cinquante ans était debout proprement vêtu, le regard fixe, la mine en état «d´urgence», le port droit et s´était visiblement préparé à ne répondre qu´aux questions du juge qui avait, ce jour-là, à sa droite, Amar Boudana, le représentant du ministère public, ce frais parquetier qui va, encore une fois, par la faute de cette sacrée solidarité de l´indivisibilité du siège, empêcher une réflexion autour des «à-côté» débités par l´inculpé qui s´est désespérément accroché au fait que la pseudo-victime n´avait déposé le chèque remis, qu´au lendemain du dépôt de plainte pour escroquerie par Mohamed Tayeb M., ce gérant d´une entreprise de pose de câbles souterrains «Télécom». Et ce même inculpé aura la veine de s´expliquer sur son cas même si Bougana restera sourd aux arguments de cet inculpé qui se veut être victime. Entre-temps, Boucheligue qui n´avait pas sourcillé lorsque les deux défenseurs de l´inculpé, Maître Abderrahmane Khelfi et Maître Haïder Saâdi s´étaient approchés de la barre; mais ce même juge allait faire une réflexion en direction de ce turbulent mais correct avocat de la victime qui répondra sèchement mais poliment ainsi: «Vous me reprochez de ne pas avoir répondu présent. Je n´ai pas à le faire. Je ne suis ni inculpé, ni victime, ni témoin.» Boucheligue passera outre et entra dans le vif du sujet. Aux nombreuses questions du tribunal, l´inculpé répondra juste ce qu´il faut pour se justifier autour du délit d´émission de chèque sans provision. «Monsieur le président, explique calmement Mohammed Tayeb H. Ce personnage qui se présente comme victime est, en réalité, dans de mauvais draps car il a été un inélégant, juste après que nous lui expédiâmes du matériel contre la remise du chèque de 550 millions de centimes. Il avait pris le chèque, le mit soigneusement dans sa poche et promit à notre envoyé à Sétif de remettre le chèque plus tard. Et puis, ce fut l´engrenage. De jours en semaines, en mois, il se dérobera et le jour où il avait appris que nous avions déposé plainte, il courut à son tour au parquet déposer le chèque qui n´avait plus à être chez lui.» Le juge posera à son tour une question: «Il a le matériel et les papiers des engins?» «Non, soulignera l´inculpé, nous avons les papiers à notre niveau», marmonne Mohamed Tayeb M. qui profitera de l´attention soutenue et du juge et du procureur pour siffler qu´il était ahuri de ne pas voir son adversaire poursuivi au même titre que lui, car, énoncera-t-il avec beaucoup de tristesse, les termes de l´article 374 du Code pénal sont plus qu´explicités: «Monsieur le président, l´alinéa 3 de ce même article de loi dispose que "quiconque émet, accepte ou endosse un chèque, à la condition qu´il ne soit pas encaissé immédiatement, mais à titre de garantie", veut que je me vois écrasé par la machine, car ce monsieur qui me poursuit avait gardé le chèque sur lui sept mois avant qu´il ne le dépose au guichet de la banque. Cette même banque qui a reconnu qu´à la date de la signature du chèque, il y avait plus d´un milliard de centimes.» Ce à quoi va répliquer Bougana: «Vous venez de reconnaître que vous aviez rempli et signé ce chèque, que faut-il de plus? Le bénéficiaire de ce chèque à le droit de garder sur lui le chèque tout le temps qui lui plaira.» L´inculpé n´en revient pas, sauf qu´au cours de la plaidoirie de l´avocat de la victime, nous avions entendu l´inculpé, la dernière fois promettre de ramener un justificatif des provisions au moment de la remise du chèque. L´inculpé avait laissé échapper un sourire en coin car ses avocats allaient justement brandir le fameux document au nez de toute l´assistance, sous les yeux de Boucheligue, le président et le procureur qui va parcourir la feuille avec un vif intérêt, car il avait auparavant requis une peine de prison ferme de cinq ans, d´une grosse amende et d´un mandat de dépôt à l´audience. Dans la foulée, la victime avait réclamé des dommages d´un montant de trois millions de dinars. Les plaidoiries étant longues et détaillées, Boucheligue décida la mise en examen de l´affaire avant de condamner Mohamed Tayeb M. à une peine de prison ferme et à une amende conséquente. Ainsi Boucheligue, le juge a préféré s´en tenir à l´émission du chèque sans provision, le reste ayant été laissé aux bons soins d´une autre section qui aura à entendre Mohammed Tayeb M. victime d´escroquerie, cette fois, car le gérant a des témoins qui confirment qu´il avait bel et bien régularisé son adversaire par la remise du chèque et la non-restitution du matériel qui avait été cédé auparavant pour pallier au non-paiement du chèque. Et puis, il y a cette histoire du non-respect de l´alinéa du Code qui «dispose que quiconque, remet, accepte, endosse un chèque...» Celui qui accepte devient donc victime! A n´y rien comprendre.