«Ne coupe pas l´arbre qui te donne de l´ombre.» Proverbe arabe Décidément, rien ne va plus entre Al Jazeera et Al Arabiya. Les deux télévisions arabes se font la guerre à coup de communiqués. Le dernier en date a été lancé par le directeur d´Al Arabiya, Abdallah Al Rached, qui accuse Al Jazeera de faire de la propagande au profit du Hamas et de gonfler les erreurs militaires des Israéliens sur les civils. Il faut dire que tout sépare les deux télévisions les plus regardées dans le monde arabe. Et leur différence s´est accentuée par la tenue du Sommet extraordinaire de Doha au Qatar. Même si elle est installée à Londres, Al Arabiya est une télévision privée financée en grande partie, par des fonds saoudiens. L´ex-MBC, qui était une chaîne généraliste, s´est transformée, en 2003, en chaîne d´information pour justement concurrencer la mainmise d´Al Jazeera sur la région du Moyen-Orient. Son baptême du feu a été la guerre en Irak et l´Afghanistan. Mais au lieu de servir la cause arabe, Al Arabiya a servi la cause saoudienne et, à demi-mot, la cause américaine. Le jour de l´exécution de Saddam, alors que la rue et le monde étaient consternés par les images diffusées, le premier jour de l´Aïd El Adha, Al Arabiya saluait la fin du dictateur irakien. Dans la guerre à Ghaza, la chaîne saoudienne ne donne jamais la part belle au Hamas et choisit toujours de mettre en avant les diplomates égyptiens et les porte-parole du mouvement Fatah, alors qu´Al Jazeera n´hésitait pas à ridiculiser Mahmoud Abbas et le ministère des Affaires étrangères égyptien. Les morts ghazaouis ne sont pas considérés comme des chahids, comme le veut la culture islamiste du Hamas ou dans le vocabulaire audiovisuel d´Al Jazeera, mais comme des victimes de bombardements. Al Arabiya défend, néanmoins, la cause palestinienne mais fait attention dans ses traitements des sujets politiques liés à la crise. Par exemple, les militaires et les politiciens israéliens n´interviennent jamais sur Al Arabiya, alors qu´ils passent souvent sur Al Jazeera, parce que le credo de la chaîne qatarie est célèbre: «L´opinion et l´opinion adverse», et pour cela, elle n´hésite pas à organiser des débats par téléphone entre les deux belligérants, le Hamas et Israël. Al Arabiya, en revanche, travaille réellement pour le camp saoudien et égyptien, allié des Etats-Unis, qui est par ricochet, le protecteur d´Israël. Et le Sommet de Doha est venu nous rappeler cette différence de taille entre les deux plus grands networks arabes. Pour preuve, Al Arabiya n´a pas diffusé le discours en direct du chef du Hamas et même tous les discours des chefs arabes présents au Sommet de Doha, parce que l´Arabie Saoudite et l´Egypte ont boycotté le Sommet. Pour contrecarrer cet événement politique et surtout les propos du ministère des Affaires étrangères qatari, qui n´a pas hésité à griller le président palestinien, Mahmoud Abbas, qui avouait qu´il avait eu des contraintes et reçu des menaces pour assister au Sommet de Doha. Al Jazeera et Al Arabiya ne se font pas la guerre des images, mais la guerre politique entre deux Etats-clés dans la région, l´Arabie Saoudite, le gardien des Lieux Saints, et le Qatar, le gardien de la mémoire collective des Arabes, et chacun veut imposer sa vision sur le monde arabe. [email protected]