On nous dit qu´il n´y a pas effectivement de rentrée littéraire dans notre pays et que le Salon du livre est le seul événement qui marque un semblant de sursaut à vocation culturelle. La plupart des auteurs et des éditeurs profitent de ce moment privilégié pour mettre leurs oeuvres sous les projecteurs de l´actualité, en priant toutefois le ciel que la censure ne sévira point. Cependant, la semaine qui vient de s´écouler a été marquée en France, et par ricochet chez nous, par la célébration du cinquantième anniversaire de la disparition d´Albert Camus, philosophe et écrivain français né à Mondovi en Algérie et a vécu un quart de siècle environ à Belcourt. Les émissions de télévision qui lui ont été consacrées ont surtout mis en évidence ses oeuvres marquantes comme la Peste et l´Etranger et son essai L´homme révolté qui provoqua une rupture nette et brutale avec ses «compagnons de route», Jean-Paul Sartre et Francis Jeanson. Son épisodique passage à Alger Républicain a été pudiquement passé sous silence...C´est, paraît-il, l´oeuvre la Peste (1940) qui le rendit célèbre et qui lui attira des éloges qui le porteront finalement au prix Nobel en 1957. Cette maladie a été interprétée comme symbole de l´apparition de fascisme en l´Europe. «La peste brune» était le terme pour désigner les mouvements d´extrême droite qui agitèrent l´Europe à partir de la fin de la guerre mondiale. Les maladies ont été souvent utilisées par les romanciers et les cinéastes pour mettre en relief les différents problèmes des sociétés qu´ils traitent. On dit que la maladie propre aux romantiques fut la tuberculose et qu´elle a été illustrée par nombre de romans au dix-neuvième siècle et que les auteurs romantiques en ont fait un mal qui frappe surtout les âmes sensibles. Il ne faut pas oublier que cette maladie frappait le plus souvent les gens de la classe ouvrière, sous-alimentés et surexploités. Cependant, c´est la destinée de la courtisane «Marguerite Gautier» qui assurera à son auteur, Alexandre Dumas fils, un succès littéraire certain. Montparnasse 19 ou les Amants de Montparnasse retrace, lui, la lente agonie du peintre Modigliani... Thomas Mann, en restituant l´atmosphère d´un sanatorium dans sa Montagne magique, fera le portrait de caractères de la société allemande du début du vingtième siècle. Le choléra servira de prétexte à Jean Giono pour narrer l´épopée d´un nationaliste italien dans l´Italie d´avant- l´Unité! Gabriel Garcia Marquez avec Cent ans de solitude, va comparer le désir de réussite sociale à ce terrible mal qui frappe de temps en temps certaines sociétés: une passion amoureuse de cinquante ans va dévorer un modeste employé des postes...C´est peut-être la fièvre jaune qui occupera beaucoup de titres de romans aux fortunes diverses, notamment des romans policiers: amour pour une fille d´Asie, fièvre de l´or. La gangrène, ce mal qui corrompt les tissus d´une manière insidieuse, sera pris par Benjamin Stora, dans un pamphlet politique pour dénoncer l´oubli par les officiels français de la honteuse guerre d´Algérie. Ce titre sera repris par Bachir Boumaza qui y dénoncera les crimes de la colonisation française, les massacres, les spoliations, la torture et bien entendu le refus de reconnaissance de ces crimes d´Etat par les gouvernants français. Mais le véritable roman littéraire que tout le monde attend n´est-il pas celui qui traitera de la grippe: cette maladie qui frappe aveuglément et injustement, créant panique, désarroi...Quant à la corruption qui sévit d´une manière endémique, elle attend toujours son auteur de génie.