De nombreux habitants de la ville sont meurtris. Pour la première fois, des citoyens marocains expriment leur méfiance vis-à-vis de la politique de «l'incendiaire pompier» dont fait office George W.Bush qui, depuis les événements du 11 septembre, mène une croisade contre «l'axe du mal». Cette politique de gendarme omnipotent au nom de «la guerre juste» n'est apparemment pas au goût des ressortissants du royaume chérifien, traditionnellement allié de l'Amérique qui entretient des relations commerciales et politiques avec Israël. Il semble se démarquer des USA devenus soudain encombrants après le quintuple et sanglant attentat de Casablanca. Dans cette ville qui prend violemment conscience de l'amère réalité du terrorisme international, les gens osent maintenant parler. Meurtris, de nombreux habitants de Casablanca estiment que la «politique d'agression» et de «déstabilisation» des Etats-Unis est à l'origine du malheur qui les a frappés vendredi, au coeur même de leur capitale économique. «Depuis le 11 septembre, les Américains cherchent sans cesse à agresser et à déstabiliser le monde entier», s'emporte Mohamed Baâdi, étudiant marocain en sciences politiques. «Leur attaque inadmissible contre l'Afghanistan, puis leur guerre illégitime contre l'Irak, deux pays beaucoup plus faibles qu'eux militairement, ont mené aux attentats de vendredi», estime ce jeune homme de 26 ans. «Ensuite, le président américain George W.Bush en profite pour offrir une aide qui est loin d'être désintéressée», ajoute-t-il, comme pour répliquer à la proposition du président américain au lendemain des attentats qui ont fait 41 morts à Casablanca. Bush avait alors offert l'aide des Etats-Unis au Maroc. «Le Maroc est un ami proche des Etats-Unis et nous offrons notre aide au gouvernement marocain pour arrêter et conduire devant la justice les responsables», a-t-il déclaré. Mais «l'aide américaine» devient soudain douteuse, voire à la limite de la décence, jugent nombre de Casablancais qui semblent de plus en plus redouter cette aide dont on commence à ironiser sur les arrière-pensées supposées. «Bush est un véritable pompier incendiaire», lance Hassan Jilali, un commerçant de Casa. «Il met le feu partout, dit ouvertement mener une ‘‘croisade'' contre l'Islam et offre ensuite son aide lorsqu'un pays est en proie aux flammes de la violence générée par le mépris des Etats-Unis pour le reste du monde et particulièrement pour les musulmans», ajoute-t-il. «Si les Américains nous aident, nous pouvons alors commencer à nous inquiéter», renchérit Hicham Slaoui, un homme d'affaires à Casablanca. «Allons-nous bientôt voir les militaires américains débarquer sur le sol marocain?», s'interroge-t-il. Comme pour insinuer que l'Amérique constituerait alors plutôt un boulet encombrant qu'un bouclier contre la nuisance terroriste. «La police marocaine sait très bien faire son travail, nous sommes un pays possédant une culture séculaire, une histoire glorieuse, les Américains ne nous apporteront rien si ce n'est davantage de problèmes», estime-t-il. «Il arrive un moment où l'on doit dire non aux Américains, s'opposer à eux» assure Youssef Slimane, un habitant du quartier Casa de Espana, l'une des cibles des attentats de vendredi. «Le Maroc ne l'a pas fait et la population musulmane sait que d'autres musulmans sont massacrés chaque jour en Palestine par l'armée israélienne soutenue par Washington, et a vu récemment des frères irakiens écrasés sous les bombes américaines, leurs ressources pillées par les vautours de Bush», dit-il en soulignant que la plupart des kamikazes étaient Marocains. «Cela ne peut continuer comme cela, un jour la colère explose. Ça ne fait que commencer», affirme cet habitant de Casa encore sous le choc. Comme quoi les Marocains se démarquent de plus en plus d'une présence américaine quelque peu encombrante à leur goût, bien empreints d'amertume après avoir eu un avant-goût de la sale guerre qui risque de frapper aux portes du royaume.