Serions-nous la dernière nation où l´émission de chèque sans provision ne sera jamais dépénalisée? Voire. Le procès tenu mercredi dernier dans la salle d´audience du tribunal de Sidi M´hamed Alger, sous la présidence de la très jeune et fraîche magistrate Zouaoui, la fille de Abderahmane, celui qui avait été un immense juge, procureur et président de la cour de Blida, Annaba entre autres avant de garer dans la Cour suprême, noyé dans la masse d´hommes de loi qui dépérissent sans plus rien donner à la justice, à laquelle ils ont donné le meilleur d´eux-mêmes...L´émission d´un chèque sans provision d´un montant de plus de un milliard deux cent-quarante millions de centimes n´est pas, en soi, un événement d´autant plus que dans d´autres juridictions, des milliards, et des milliards sont détournés grâce à l´émission de chèques en bois. Ce qui est intéressant de retenir, c´est plutôt ce duo d´avocats qui s´est défoncé à la barre et ce, sous l´oeil vigilant d´une présidente aux aguets et un Fouad Guerras, le jeune représentant du ministère public plus vigilant dans ce dossier où tous les interdits s´étaient donné rendez-vous. Karim S.S. trente et un ans, avait vingt-six au moment des faits - i-e l´émission «supposée» dudit chèque. Emigré, il s´était déplacé toutes les fois que la justice l´avait convoqué alors que l´entrepreneur de Dellys, la victime, ne s´était jamais donné la peine de se présenter à la barre. Et à un moment donné des débats, Zouaoui, la juge le lui rappela en ces termes qui firent plaisir à maître Houcine Haoua et à Maître Karima Ould Ali qui avait gratifié les présents d´une magnifique démonstration qui avait mené droit le tribunal vers la vérité. Faisant preuve d´un allant rarement vécu, Maître Ould Ali que le défunt et regretté papa lui avait laissé le sang, le don et la foi dans l´exercice de cette noble fonction, ne s´était pas du tout embarrassée de scrupules pour faire l´économie de ne pas s´échiner à la barre juste de quoi sauver cet inculpé entendu via la citation directe, que les deux défenseurs avaient présenté plutôt victime de nombreuses machinations. On a même fait allusion de défoncer le dossier et évoquer les poses de peaux de bananes surtout cette histoire de signature du procès-verbal de réception des travaux alors que point de service fait. «Car, s´écriera alors Maître Ould Ali, notre client se trouvait en Chine le jour de la pseudo-signature et voilà ce qu´on appelle la complicité entre les deux banques pour nuire à Karim.» Puis, plaidant franchement à l´américaine, Maître Ould Ali a été posée, sereine, méthodique, crédible dans l´exercice de la démonstration de la machination et surtout enhardie par le rappel à l´ordre, une heure auparavant, de la victime par le juge qui s´était interrogée sur l´absence inexpliquée à la barre à chaque convocation. «Ce n´est pas possible comme comportement!», a dit Zouaoui, la magistrate qui développa sa répulsion devant ce fait unique qui a vu l´inculpé résider en Europe, venir à chaque audience arrêtée par le tribunal et la victime, qui habite à...Dellys ne pas se préoccuper de son milliard-deux-cent cinquante-deux millions de centimes!, ce qui donnera une image éloquente lorsque la victime a vu sa face passer du rouge au pourpre, puis au carmin, puis au rouge vif pour s´arrêter au violet. Sans commentaires. Tout comme Maître Haoua plus tard, l´avocate rouquine avait pris soin de réévoquer les surcharges sur le certificat de non-paiement du chèque en bois, le faux code d´agence, un code erroné, dix-sept chiffres au lieu des vingt prévus par la loi. Et puis, l´avocate passera quatre minutes à démontrer les témoignages qui ont été à sens unique en faveur de la victime et d´autres mystères encore dont celle de cette «force» qui avait voulu que le papa de Karim (un richard) allait casquer la somme pour sauver son rejeton. «Mais, il y a la justice immanente!», s´était encore égosillée Maître Ould Ali qui informa au passage le tribunal du dépôt de deux plaintes pour faux après la découverte de tout ce charivari. Et encore, c´est quoi cette banque qui n´attire pas l´attention de son client (Karim) sur l´insuffisance ou l´absence de fonds, l´envoyant droit sur l´échafaud? Sobrement, Maître Haoua, le second plaideur qui avait pris acte de l´an de prison ferme et de l´amende égale à la somme, avait axé sa plaidoirie sur le côté technique, s´empêchant d´entrer dans le détail, sa jeune consoeur ne lui ayant rien laissé à dire et préférant ne dire que ce que sa consoeur avait omis sous l´effet d´une ire, qui disait son nom. Le verdict fut mis sous huitaine. A la fin du procès qui avait duré de quatorze à seize heures quarante, l´assistance était éblouie par le tableau présenté par Maîtres Haoua et Ould Ali qui avait même été félicitée vivement par les présents dont certains réclamaient des cartes de visite. C´est tout à son honneur...Et son défunt papa, aurait été ravi que jamais l´adage: «Bon sang ne saurait mentir» est toujours d´actualité. C´est vrai. Ce jour à Sidi M´hamed - Alger, il y avait deux paternels heureux. Le second Abderrahane Zouaoui ferait bien d´effectuer une descente depuis les hauteurs d´El Biar sur les rues de la liberté et Abane Ramdane voir sa jolie fille à l´oeuvre. Il en serait si fier qu´il aurait envie de revenir au tribunal de...Bir Mourad Raïs ou de Hussein Dey, comme il y a une vingtaine et quelques années.