Maître Lamouri, c´est connu, est un gagneur à la barre. Cette fois, il a souhaité la victoire des Verts face aux Yankees... Décidément, Maître Benouadah Lamouri, demeure, même sujet à une méchante grippe, l´excellent plaideur qui ne perd jamais une seconde à chercher les mots. Devant un solide trio de magistrats aguerris à toutes les sorties, l´avocat de Dar El Beïda a effectué, lundi dernier, une, mais alors une sortie de sa vieille gibecière qui aura soulevé l´admiration de tous, à commencer par celle de Madame la présidente de la chambre correctionnelle dans une affaire d´insultes et de menaces. Il dit exactement ceci: «Madame la présidente, le petit avocat que je suis ne prétend pas détenir la vérité; le petit avocat que je suis, cherche seulement à éveiller les consciences. Comment se fait-il que ce père de famille écope d´une lourde peine de prison ferme pour insultes et menaces, sur la base du...vent. Et le vent de juin 2010 souffle en vue de ramener de la pluie. Et la pluie rafraîchit!» Avant de reprendre son souffle, il prend soin de s´éponger le front, surtout que les climatiseurs installés ça et là dans les juridictions demeurent...muets. Ils ne fonctionnement qu´au gré des dépanneurs venus en catastrophe et repartis en plus grosse catastrophe. La salle est bondée. Le prévenu, une quadra d´Alger-Centre avait répondu à la dizaine de questions du trio de juges assis. Et il a répondu non à huit questions. Les deux autres allaient dans le sens de «oui, Madame la présidente, il y a un contentieux avec mon voisin "et" oui, Madame la présidente, je n´ai jamais déposé plainte à son encontre, croyant encore aux vertus du bon voisinage et à la parole donnée lors de l´échange d´excuses après l´orage». Et au moment où le prévenu non-détenu faisait la navette mentale entre le mauvais voisinage et le très mauvais verdict du tribunal, Maître Lamouri, les mains sur les hanches et les yeux rouges de douleur grippale, était probablement en train de mijoter un large pan de son intervention car il était convaincu du bien-fondé de la cause à défendre. Juste après le murmure du procureur général, car le parquet avait interjeté appel, Maître Lamouri releva les deux pans de sa robe toute neuve, passa sa grosse main dans une chevelure fraîchement réaménagée et se lança dans le bain des pourquoi, des comment et surtout dans celui des ratés du tribunal. Madame la présidente, vous avez sans doute constaté l´absence de témoins pour ce qui est des menaces, fait prévu et puni par l´article 284 du Code pénal. Et c´est la loi qui le veut, s´était égosillé le défenseur qui allait en deux secondes et neuf dixièmes s´excuser auprès de la composition pénale avant d´aller au-devant des cornes du taureau en furie: «Venons-en maintenant aux insultes! dit-il les yeux mi-clos. Quelles insultes? Pourquoi la victime n´a pas pris la peine de venir affronter mon client qui vous avait informé, il y a une dizaine de minutes, qu´ils s´étaient séparés sans rien entreprendre!» Le conseil marque une pause de trois secondes et trois quarts avant de dire d´une voix où l´émotion était perceptible: Et les insultes? De quelles nature sont-elles? La Cour suprême via un de ses arrêts oblige les victimes d´insultes à les répéter en vue de guider la décision du juge. Et là aussi, la loi a été bafouée. Nous n´en voulons pas au juge du tribunal. Il peut être embarqué sur un radeau, mais pas vous qui êtes trois à traîner près de «cent ans d´expérience.» La présidente prend acte des demandes de l´avocat, la relaxe et celui du dernier mot du prévenu: relaxe avant d´annoncer la mise en examen du verdict pour la semaine prochaine. Et avant de quitter la salle d´audience, Maître Lamouri avait réussi à soulever l´hilarité générale en lançant à l´intention des juges: «Et dire que je pensais aux Verts face au Yankee qui est là sur le pas de la porte!»