En juillet 2009, l´avocat ouvre son coffre-fort. Il constate avec effroi la disparition d´une grosse somme. Un suspect: la secrétaire-assistante, recrutée il y a huit mois... Faisant fi de l´abus de confiance émanant de la part de son ancienne assistante-secrétaire-gérante-femme de ménage en son cabinet, l´avocat avait estimé qu´il s´agit, avant tout, d´une affaire de principe. «Je n´ai pas besoin d´un soutien matériel. Les 400 et quelques millions ne sont rien avec l´honneur bafoué, la confiance agressée, la solidarité éclaboussée», avait-il pensé haut, le coeur gros, en voyant une avocate - celle-là même qui avait congédié l´inculpée du jour - venir soutenir la dame qu´elle avait pourtant accablée de tous les maux possibles et imaginables. «Aidez-moi seulement à comprendre cette mentalité qui veut que ce qui est rouge devient noir!», lança-t-il amèrement, alors que Soumia Kassoul, la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d´Alger) venait d´appeler les parties de ce procès unique dans les annales du bâtonnat d´Alger. Et cette triste histoire concerne un grand défenseur des droits de l´homme et du citoyen. Et ce grand conseil connu dans les juridictions du pays, de se mordre la lèvre inférieure de ne pas avoir suivi le conseil qu´il y avait chez lui, au cabinet et cette même secrétaire renvoyée pour être une cleptomane. Ce que réfute l´inculpée niant l´abus de confiance en bloc avec le précieux renfort venu témoigner que cette histoire de véhicule acheté avec l´argent de l´avocat, n´était qu´un gag car, dira Chérif Bahloul, l´avocat l´avait appelé au téléphone le priant de lui emprunter son véhicule en vue d´un déplacement urgent à Oran. «Ridicule, avait rétorqué l´avocat-victime d´abus de confiance. On n´a pas idée de s´adresser au père d´une secrétaire alors que nous possédons deux véhicules dont un 4x4 dans un état neuf.» Soumia Kassoul, la présidente, qui adore que l´on réponde directement aux questions, n´a pas voulu laisser le champ libre aux incidents et autres inutiles accrochages qui peuvent dégénérer à tout moment. Echangeant des amabilités, l´avocat de l´inculpée et l´avocat-victime ont évité d´agacer la juge du jour devant, d´abord, Mourad Hellal qui a occupé le siège du ministère public durant la première heure des débats avant de le céder à la remarquable Akila Bouacha qui demandera 20.000 dinars d´amende, sans trop s´échiner à plonger dans ce dossier plein de zones d´ombre, selon les propres remarques des avocats, y compris Maître Kamel Sidi Maâmar, le défenseur de l´inculpée qui s´était exclamé qu´il aurait beaucoup de choses à dire autour des dates du dépôt des 460 millions de centimes dans le coffre du cabinet. D´ailleurs, la juge a dit son étonnement, que l´on affirme que les plus proches collaborateurs de l´avocat n´aient pas le double, et le code du coffre-fort alors que la secrétaire l´ait en poche. Mais ce qui a été dit, redit, répété, par les avocats de la victime, c´est cette confiance aveugle envers la secrétaire qui n´aurait pas apprécié à sa juste valeur, la... valeur de l´employeur, allant jusqu´à l´abus de confiance! Fidèle à sa réputation, Kassoul a eu le réflexe de juge d´instruction, on l´aura constaté à travers les nombreuses questions précises et édifiantes. Elle était plantée autour de réponses aussi précises que nettes, éloignant donc le spectre de détails déstabilisants, voire humiliants. Mais, au cours de la mise en examen, la présidente a dû revoir ses notes et faire le tri entre qui dit vrai et qui est passé à côté de la plaque. Et c´est dans cette optique, que le mardi 4 mai 2010, la relaxe est prononcée en faveur de Ouahiba Bahloul, la secrétaire. L´avocat-victime, lui, parle toujours de déni de justice, né depuis «l´égarement de la plainte!» La première, s´entend.