On a vu à l´extrême sud du pays des troupeaux de chèvres avec des "colliers" faits de bidons métalliques "pour les empêcher de se téter", nous ont répondu leurs propriétaires. L´idée du sujet de cette semaine, nous a été donnée par une lectrice. Elle est étudiante à Paris et prépare une thèse de doctorat. Son sujet: le poisson en Algérie. Fortement intéressée par le prolongement historique de sa consommation que nous avons abordé dans ces mêmes colonnes, elle nous demande de l´aider en lui adressant, par courriel, la bibliographie qui pourrait lui permettre de «creuser» le sujet dans le même sens. Aussi et pour une meilleure compréhension, nous avons décidé d´apporter un autre exemple qui pourra sembler inattendu mais dont le lien commun ne fait aucun doute. De prime abord, aucune relation entre le poisson et la vache ne saute aux yeux. De prime abord seulement. Si la pêche ne «prend pas» dans notre pays, ce n´est ni le poisson ni la Méditerranée qui sont en cause. Les raisons sont ailleurs. Elles sont à chercher dans notre histoire. Il faut savoir que la colonisation française en Algérie ne s´est intéressée réellement, qu´à la partie «utile», c´est-à-dire à la bande littorale. De là elle contrôlait l´ensemble du pays. Les Algériens étaient, eux, repoussés à l´intérieur du pays. Là où la terre est ingrate, le relief hostile et très accidenté. C´est pourquoi l´on retrouvera dans leurs préférences plus la chèvre que la vache. La chèvre grimpe, mange même du carton, donne du lait et de la viande. Ce n´est pas le cas de la vache qui est plutôt un animal des plaines. D´ailleurs, les seuls élevages de vaches laitières étaient ceux des colons. Les «vertus» de la chèvre sont faites de résistance extraordinaire aux conditions de vie les plus difficiles. On a vu à l´extrême sud du pays des troupeaux de chèvres avec des «colliers» faits de bidons métalliques «pour les empêcher de se téter», nous ont répondu leurs propriétaires. En effet, et lorsque la nature n´offre ni eau ni végétation, la chèvre a tendance à se rabattre sur son propre lait par des contorsions dont elle a le secret. Tout le monde sait que la chèvre vit au maquis et grimpe à des endroits inaccessibles à l´homme pour chercher de quoi se nourrir. Ce qui n´est pas le cas de la vache. Durant un siècle et demi, les Algériens ont eu le temps d´oublier comment élever les vaches. Ce n´était plus pour eux l´animal familier. Les seuls grands espaces, qui s´offraient aux Algériens, étaient ceux du Sud ou un peu plus au nord, les Hauts-Plateaux. Des espaces où le dromadaire trouve sa place avec les gens du Sud. Dans les Hauts-Plateaux où la culture de l´alpha servait également de nourriture, c´est l´élevage de moutons qui était le plus indiqué. La meilleure viande d´agneau se trouve dans ces régions. On peut donc dire que les Algériens ont été séparés de leurs vaches au moment de leur déportation. Dans les régions où ils étaient confinés, ils n´avaient rien à offrir à ce type de bétail. D´où les échecs quand, après l´indépendance, des importations de vaches laitières ont été tentées mais leur élevage n´a jamais réussi. Les Algériens ne sachant plus les élever. La seule solution possible aujourd´hui, se trouve dans les fermes pilotes d´élevage de vaches laitières. De type industriel. Les petits élevages restent du domaine des exceptions. Que ce soit pour le poisson ou pour les vaches laitières, le problème est plus sociologique que technique. Mais, direz-vous, comment se fait-il que dès que le sachet vient à manquer ou que son prix augmente c´est la colère populaire, alors que pour le poisson tout le monde s´en fiche? Contrairement au poisson, le lait fait partie intégrante de l´être humain dont c´est le premier aliment dès la naissance. Chez nous, on exige le lait mais on se soucie très peu de la vache. La relation saute aux yeux maintenant! ([email protected])