Dans l´Antiquité, les cités grecques en proie sans cesse à des conflits meurtriers, qui les affaiblissaient vis-à-vis de leurs voisins méditerranéens, trouvaient dans les jeux sportifs une trêve salutaire pour restaurer leurs forces et en même temps renforcer des liens qu´une même langue et une même culture avaient tissés; elles profitaient de ce moment magique pour se mesurer à travers leurs athlètes et leurs poètes. Ces fêtes étaient données en l´honneur d´Athéna qui symbolisait la Sagesse. A travers les performances de leurs éphèbes qui concouraient dans les disciplines où l´éducation et le développement du corps rivalisaient avec celui de l´esprit, les écoles des différentes cités pouvaient montrer ainsi, par les lauriers moissonnés par leurs poulains, que les dieux étaient de leur côté, c´est-à-dire que la gestion et la politique qu´elles menaient étaient plus conformes à la volonté des dieux. Ces joutes furent transformées en jeux du cirque par les Romains à la fin de la République: aux courses de chars héritées des Etrusques étaient ajoutées les disciplines empruntées aux Grecs avec des affrontements mortels qui opposaient les gladiateurs. Le populisme des candidats à la dictature alimentait ces spectacles sanglants répondant ainsi à l´appétit de loisirs dont une population qui commençait à s´urbaniser, était friande. «Panem et circenses!», disaient-ils pour exprimer leurs besoins vitaux (du pain et des jeux). Il va sans dire que dans la période contemporaine, ce sont les nations les plus développées industriellement qui vont créer ces disciplines qui seront les spectacles de foules fanatisées. Et ce n´est pas un hasard si c´est le Royaume-Uni, le pays le plus industrialisé qui va créer et codifier les disciplines qui vont attirer un public de plus en plus nombreux: la boxe et le football. C´est la pratique des paris qui va commencer à pervertir le noble art dès que le «Milieu», aux USA va commencer à contrôler les rencontres et faire et défaire les carrières et ce sont des gens d´origine modeste qui vont connaître des destins fabuleux avec des ascensions rapides et des déclins fulgurants. Ces soixante dernières années, le football, qui attirera encore plus de spectateurs parce que c´est un spectacle de groupe, va remplacer la boxe et l´argent, va introduire immanquablement le vedettariat au point que les joueurs de football deviendront plus célèbres que des stars de cinéma, à telle enseigne que le destin de certaines étoiles des pelouses va croiser celui des paillettes et des strass des top models. Les pouvoirs politiques ne vont pas se tromper en misant sur les perfor-mances de leurs équipes nationales de ce sport-roi qui va mobiliser des foules de plus en plus enthousiastes parce que fanatisées par tous les supports médiatiques existants qui vont faire l´amalgame entre sport et nationalisme, entre patrie et équipe nationale de football. Les drapeaux et les hymnes nationaux vont remplacer les slogans habituels pour encourager les joueurs et les accompagner jusqu´à leurs victoires. Pour leurs diverses campagnes, les hommes politiques iront jusqu´à préférer poser aux côtés de vedettes de ce sport plutôt qu´aux côtés d´artistes ou d´intellectuels émérites. Si dans un premier temps, les joueurs évoluant dans les équipes nationales sont choisis au niveau des clubs nationaux, les sélectionneurs des pays riches vont, peu à peu, aller chercher dans les pays étrangers, des pays du tiers-monde en général, des talents qui permettront à leurs équipes de briller: ce qui fera grincer des dents les racistes professionnels. Inversement, les prospecteurs des pays du tiers-monde, dont les équipes sont anémiées par une fuite de cerveaux et de muscles, vont aller puiser dans les filons de la diaspora ou de l´émigration pour revivifier les organes malades d´une politique sportive ou d´une politique tout court, vouée à l´échec. Des sommes faramineuses seront ainsi dispensées pour acquérir un prestige qui ne vient ni des résultats économiques ni d´ailleurs: c´est une politique au service du coup de pied.