"Sois prêt à en découdre"; " Tu n´écouteras pas ta peur et ta souffrance, pour la gloire de ton pays". Préceptes des dirigeants chinois. Dans son Discours olympique, l´orateur Lysias attribue la création des Jeux à Héraclès. La date "officielle" de la création de la fête olympique est bien 776 avant Jésus Christ...Selon la tradition rapportée par Apollodore, elle commémore la victoire de Pélops sur Oenomaos, le roi de Pise, dont il voulait épouser la fille Hippodamie. Pendant deux siècles, les Jeux olympiques sont une institution régionale du Péloponnèse. Très vite, c´est Sparte qui dominera les Jeux. Le développement des Jeux apparaît dans les diverses épreuves créées: En 776 - 1ère olympiade: course de vitesse. Au 1er siècle après J.-C., l´Empire redonne de la vigueur aux Jeux. On instaure le culte de César, Tibère fait courir un quadrige, Néron paraît en personne aux célébrations olympiques. Mais désormais, dans tout le Bassin méditerranéen, les cités ont créé des Jeux, et les athlètes professionnels vont de cité en cité accumuler les victoires et les richesses. A partir de 281 après J.-C., nous ne possédons plus les noms des vainqueurs olympiques. Un premier tremblement de terre en 522 ajoute à la ruine du site. On attribue au baron Pierre de Coubertin l´idée de regrouper les athlètes des différents pays. Pour promouvoir l´athlétisme, son idée est alors de créer une grande compétition internationale qui verrait s´opposer les meilleurs athlètes du monde civilisé. Inspiré par l´intérêt grandissant que suscite l´olympisme antique à la lumière des découvertes archéologiques d´Olympie, il décide de rénover les Jeux olympiques. Il annonce son projet le 25 novembre 1892, dans l´amphithéâtre de la Sorbonne et crée le Comité international olympique le 23 juin 1894, à Paris, lors du premier congrès olympique. En 1896, les premiers Jeux olympiques rénovés ont symboliquement lieu à Athènes et la fréquence quadriennale est établie. Le baron était contre la présence des femmes. Coubertin conseillait la gymnastique aux femmes dans une optique de santé. Pour lui: "Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte. Le véritable héros olympique est à mes yeux, l´adulte mâle individuel. Les J.O. doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être, avant tout, de couronner les vainqueurs. "Elles font pourtant leur entrée lors des deuxièmes, à Paris, en 1900 et leur nombre ne cessera de croître, par la suite, malgré l´opposition du baron. Démesure et perfection L´action et les motivations du "baron" sont intimement liées à ses convictions: «l´inégalité des races et la supériorité masculine». Le baron Pierre de Coubertin était le dernier représentant de l´Ecole du XIXe siècle qui a bâti sa réputation, à l´instar de Renan, Gobineau, Jules Ferry sur le concept de l´inégalité des races. Ecoutons le: "Il y a deux races distinctes: celle au regard franc, aux muscles forts, à la démarche assurée et celle des maladifs, à la mine résignée et humble, à l´air vaincu. Hé bien! C´est dans les collèges comme dans le monde: les faibles sont écartés, le bénéfice de cette éducation n´est appréciable qu´aux forts.". "La théorie de l´égalité des droits pour toutes les races humaines conduit à une ligne politique contraire à tout progrès colonial. Sans naturellement s´abaisser à l´esclavage ou même à une forme adoucie du servage, la race supérieure a parfaitement raison de refuser à la race inférieure certains privilèges de la vie civilisée. " (The Review of the Reviews, avril 1901). "Les races sont de valeur différente et à la race blanche, d´essence supérieure, toutes les autres doivent faire allégeance. " citation de Yves-Pierre Boulongne dans La vie et l´oeuvre pédagogique de P. de Coubertin. Voilà pour l´histoire. On rapporte aussi qu´une seule fois dans l´histoire des Jeux, un pays n´a pas voulu prendre sa médaille. En 1972, la finale de basket entre les Etats-Unis et l´URSS tourne à la controverse. Pour la première fois, les Américains sont battus. Mais eux s´estiment volés. Symboliquement, les médailles d´argent refusées, trônent derrière une vitrine, dans une salle du siège du Comité international olympique, à Lausanne. Jamais personne ne les a réclamées, depuis 36 ans. Et personne n´en voudra jamais. Il est vrai que depuis l´introduction du basket au programme olympique, en 1936, les Etats-Unis n´avaient connu que la victoire. Sept titres en sept éditions, et pas un seul match perdu. De quoi se croire imbattables. L´autre inquiétude vient du camp d´en face. L´URSS, menée par les deux Belov, Sergei et Aleksandr, n´a jamais aligné une équipe aussi forte, aussi talentueuse et aussi bien préparée qu´en cette année 1972. " Ils avaient une très grande équipe, se souvient John Bach, l´assistant d´Iba. Ils avaient de l´expérience, et un collectif beaucoup plus solide que le nôtre. Ils avaient joué près de 400 matchs ensemble. Nous, nous avions effectué 12 matchs de préparation avec nos joueurs. " Les Américains vont d´abord perdre ce match tactiquement, en tombant dans le rythme soviétique. A une minute de la fin, les Soviétiques n´ont plus que trois points de marge. A trois secondes de la fin, les Etats-Unis prennent les commandes, 50-49. C´est là, à cet instant précis, que débute la controverse de Munich. A l´issue de celui-ci, les Soviétiques effectuent une nouvelle remise en jeu. Le ballon vient heurter le panneau américain et ressort. Le buzzer retentit. Les joueurs et le staff américains, ainsi que les cameramen, envahissent le terrain. La table de marque aurait dû remettre le chrono à trois secondes, pas à une. Il faut donc rejouer cette dernière action. Sur la troisième et dernière remise en jeu, la longue passe d´Edeshko est captée à l´autre bout du terrain par Aleksandr Belov sous le panneau américain. Une feinte, et Belov marque. 51-50. Clap de fin. Les Américains ont posé une réclamation. " Le plus dur, ajoute Collins, c´est d´avoir cru que nous avions gagné. Pendant quelques secondes, j´ai été champion olympique. J´ai ressenti cet immense bonheur. Puis on me l´a enlevé. C´est quelque chose de terrible. " Lui, comme les autres, ne s´est jamais vraiment remis des trois plus longues secondes de sa vie.(1). La version 2008 à Pékin, très politisée pour cause de Tibet, est en passe de constituer un succès. 202 nations sont engagées et présentent au total 18.105 athlètes. Seulement 86 pays ont à ce jour obtenu au moins une médaille! 38 catégories d´épreuves concerneront ces candidats à la médaille: athlétisme (4341) et natation (1525) déplacent de gros bataillons, mais aussi taekwondo (162), triathlon (139), lutte (682) et judo (576), gymnastique artistique et nombre de sports collectifs. 1014 rameurs et 472 pagailleurs, ainsi que 506 navigateurs. 7310 femmes seulement (40,4%). Du côté des délégations: 999 Russes de la Fédération de Russie (47% féminines): la plus grosse délégation, mais les résultats ne sont pas au rendez-vous pour l´instant. 808 " Etats-Uniens " (dont 43% de filles, dont une plongeuse de 15 ans). 228 d´entre eux pour l´athlétisme, 59 en natation. 675 Chinois inscrits seulement (dont 49% de Chinoises), ce qui est peu et explique peut-être les résultats de ce vaste empire: beaucoup de médaillés or, et relativement peu de bronze ou d´argent. 768 Français: plus que de Chinois! Les " petites " délégations sont donc les plus nombreuses parmi les 202 nations représentées. 6 Monégasques, 5 Afghans, 4 Gabonais et 2 tireurs à l´arc Bhoutanais, 2 boxeurs des îles Vierges et 2 Tchadiens Quel bilan en tirer? La Chine domine largement le tableau des médailles. Les Etats-Unis ont perdu de leur superbe, notamment dans les épreuves de sprint. Les Britanniques ont réalisé une performance impressionnante... Que les Jeux sont beaux! Le Comité international olympique a fait savoir que 4 620 contrôles antidopage avaient été effectués depuis le début des JO de Pékin. Le football aura été le sport le plus suivi aux Jeux avec un total de 2.140.000 spectateurs, tournois messieurs et dames confondus. Cette fréquentation des stades de foot "est la plus grande jamais enregistrée aux Jeux". Quelque 17,7 millions d´internautes ont assisté aux Jeux olympiques de Pékin sur Internet. S´agissant des performances, il faut signaler le phénomène Michael Phelps avec 8 médailles, dépassant son compatriote Mark Spitz en 1972, qui avait pu glaner 7 médailles. Le deuxième extraterrestre est Usain Bolt: trois médailles d´or. Pour un petit pays de trois millions d´habitants. Pour la première fois, les Etats-Unis qui avaient été premiers lors des trois dernières éditions perdent leur place au profit de la Chine. S´agissant justement des médailles, la République populaire de Chine compte 96 médailles dont 49 d´or et en deuxième position les Etats-Unis avec 107 médailles dont 34 d´or. En troisième position, la Russie avec 70 médailles dont 21 d´or. La France porte son total de médailles à 38. Parmi les pays arabes, seuls Bahrein et la Tunisie sauvent l´honneur en décrochant une médaille d´or chacun. L´Algérie (63e position) revient avec deux médailles en judo, mieux qu´à Athènes où elle revint les mains vides. Tout le monde arabe (Plus de 250 millions d´habitants) se retrouve avec 6 médailles (Maroc(1) Algérie (2), Tunisie (1), Egypte (1), Bahrein (1)) soit une moyenne d´une médaille pour 50 millions d´habitants. L´Egypte, avec 75 millions se retrouve avec une médaille d´argent. Parmi les indicateurs recensés par le PNUD dans son rapport sur le développement humain, on pourrait en ajouter un autre: le nombre de médailles des pays arabes témoigne, là comme ailleurs, de la nullité dans le domaine sportif. Le Monde arabe actuel est un interminable échec multidimensionnel. Le modèle chinois La Chine, s´inspirant du modèle de l´ex-Union soviétique, va tisser un vaste réseau de centres d´entraînement à tous les niveaux. Un système national va ainsi voir le jour, avec un vivier d´athlètes alimenté par les élites des équipes sportives professionnelles recrutées dans chaque ville, dans l´armée, la police et parmi les ouvriers. Mais avec le développement en Chine d´une économie de marché, une véritable industrie du sport se met progressivement en place avec la création de championnats professionnels de football et de basket-ball. Les joueurs sont désormais rétribués par des clubs sportifs et les grandes stars du sport peuvent tirer de confortables subsides de la publicité. La sélection des athlètes chinois est précoce puisqu´ils sont littéralement " pris au berceau ". Repérés dès l´école primaire, les enfants sont ensuite envoyés dans des écoles de sport professionnel où la majeure partie de leur temps sera consacrée à l´entraînement. Disposant d´une population qui compte un milliard trois cents millions de personnes, la Chine bénéficie d´un vaste réservoir où elle peut puiser ses futurs champions. (2) Plus de 80% des athlètes alignés à Pékin ont débuté leur carrière aux derniers Jeux d´Athènes, sortis frais émoulus du protocole étatique. Ils sont le résultat concluant d´une double culture, celle du postulat soviétique et celle du sport business. Mais tout le monde a besoin de héros, quel que soit le champ de bataille. Et la Chine les aime comme nous, héroïques et braves, si possible beaux.(3) La correction chinoise et le fair play légendaire sont décodés par les Occidentaux, peu habitués à cela par le fait que les Chinois obéissent aux ordres. Ecoutons-les: " Le jour où les stars américaines du basket affrontèrent la Chine à guichets fermés, un dimanche à 22 heures, selon l´horaire dicté par NBC, ils reçurent plus d´applaudissements qu´ils n´en auraient suscités dans l´Idaho, à une heure décente. Pour un peu, l´exemplarité de la forfanterie chinoise serait telle que, sans douter de son intensité jubilatoire, certains subodorent qu´elle est décrétée en haut lieu". Dans une enquête difficile, le magazine Sports Illustrated China a recueilli les préceptes qui, sur les murs des centres, rappellent les athlètes à leur devoir civique: " Sois prêt à en découdre "; " Tu n´écouteras pas ta peur et ta souffrance, pour la gloire de ton pays ". Li, Chen, Yang représentent la Chine. Ils sont la Chine. Ils n´ont pas de famille, pas d´amis, pas de vie privée, pas d´accès Internet. Au centre d´entraînement de Jinjiang, ils restituent leurs ordinateurs tous les soirs à 21 heures, avant l´inspection des chambres. La différence entre gagner une médaille et ne pas la gagner, ici, est énorme. Bien plus que dans d´autres pays. Car les médaillés chinois ne reçoivent plus seulement en récompense un réfrigérateur ou un appartement. Pour chaque titre olympique, l´Etat débourse 25.000 euros, auxquels s´ajoutent les primes régionales ou municipales, un kilo d´or en provenance d´une fondation, plusieurs allégements fiscaux et, depuis quelques années, les largesses magnanimes de nombreux philanthropes ou élus. Au total, pour sa médaille d´or, l´haltérophile Chen Xiexia percevra 1 million d´euros. La réalité est plus nuancée comme l´écrivent deux journalistes chinois: "La Chine s´est donné des moyens financiers sans précédent pour préparer au mieux ses athlètes. Elle veut terminer à la première place des Jeux. Le quotidien chinois met en garde contre les dangers d´une quête effrénée de médailles. Mais les Jeux olympiques ne se résument pas aux médailles d´or. Et donner à ces dernières une importance démesurée, risque de nous éloigner de l´esprit originel des Jeux. Dans un monde, aujourd´hui en complète restructuration, et tandis que les Jeux olympiques tendent à devenir de plus en plus commerciaux, la médaille d´or a pris une dimension supplémentaire dont la signification est chaque jour plus complexe et plus pesante. Les humiliations répétées subies par le peuple chinois au cours des cent dernières années nous ont laissé beaucoup trop de souvenirs cuisants. Sur le chemin de sa renaissance, c´est dans cette mémoire que la Chine a trouvé une combativité galvanisante et positive. Mais, arrivée au XXIe siècle, peut-être se doit-elle de réexaminer cette attitude en profondeur. Aussi, nous faut-il évoluer rapidement afin qu´à l´identité de notre pays en très rapide expansion, s´associe une moralité qui lui corresponde et qui s´illustre à travers certaines qualités: confiance en soi, raison, ouverture et tolérance. De ce point de vue, la Chine démontrerait davantage qu´elle est un grand pays en sachant se montrer indulgente vis-à-vis de Liu Xiang, vedette très attendue qui a raté le 110 mètres haies en cas de défaite, plutôt qu´en l´acclamant en cas de victoire".(4) (*) Ecole nationale polytechnique 1.Laurent Vergne: Il était une fois les Jeux Eurosport 23 08 2008 2.Li Qihong Lianhe Zaobao: La Chine veut faire sa révolution sportive Courrier international 12 août 2008 3.Christian Despont: Les athlètes du parti unique dominent Le Temps 20 août 2008 4.Cao Jing Zhongguo Qingnian Bao: Les médailles ne doivent pas peser trop lourd 8 août 2008: Zhongguo Qingnian Bao. 20 août 2008